Le Collège National des Gynécologues- Obstétriciens Français à l'occasion du 8 mars, Journée Internationale des Femmes : l'essentiel des dépressions du post-partum reste largement sous diagnostiqué.

Blues ou dépression après l'accouchement

- Théragora le 6 mars 2019 /FL N° 19 - Page 0 - crédits iconographique Phovoir

 

A l’occasion du 8 mars, Journée Internationale des Femmes, le Colle?ge National des Gynécologues- Obstétriciens Français, par la voix de son président, Israe?l Nisand, appelle médecins, sages-femmes et entourage a? plus de vigilance et d écoute pour une meilleure prise en charge.

 

 

On a souvent présenté la période de dépression qui peut suivre brie?vement un accouchement comme étant normale et dénuée de risque. Or, ce n’est pas toujours le cas et, derrie?re ce passage a? vide, peut se cacher une véritable dépression qui n’est pas dénuée de conséquences pour la me?re et pour l’enfant.

Devenir me?re ne rime pas forcément avec le bonheur que l’on associe a? une naissance, toujours qualifiée « d’heureux événement ». Pour 15 a? 20 % d’entre elles, la maternité s’accompagne d’un effondrement psychique. Elle peut faire réapparai?tre une maladie psychiatrique préexistante, pas forcément dépistée auparavant. Grossesse et période post accouchement représentent ainsi la période la plus a? risque de rechute de troubles bipolaires*. Elle peut aussi favoriser l’émergence de troubles psychiques, de la dépression du post-partum a? la plus rare mais plus grave psychose puerpérale, qui touche une femme sur mille.

Souvent tus par les me?res, pas assez écoutées, souvent ignorés par les professionnels de santé qui accompagnent les femmes avant et apre?s la naissance, les troubles de l’humeur et le sentiment de vulnérabilité accrue de la me?re sont dans tous les cas des signes d’alerte d’un mal dont l’incidence est négligée, alors qu’il devrait réclamer une extre?me vigilance. Ces troubles peuvent mener au suicide, qui constitue la premie?re cause de mortalité maternelle. Le risque en est 70 fois plus élevé dans l’année qui suit un accouchement qu’a? tout autre moment de la vie d’une femme**. Ces troubles psychiques constituent aujourd’hui la principale cause de mortalité maternelle périnatale, bien avant les hémorragies et les infections.

 

Le post-partum largement sous diagnostiqué

Mais la santé future de l’enfant est elle aussi en jeu. Une dépression maternelle a des implications qui se prolongent bien au-dela? des troubles d’attachement et d’interaction me?re-enfant, susceptibles de provoquer des retards de développement cognitif. Lorsque l’on analyse les dépressions d’adolescents de 16 ans, on retrouve dans 100 % des cas un antécédent de dépression maternelle, dont 60 % survenue au moment de la grossesse. *** C’est le Dr Alain Grégoire, président de l’Alliance pour la santé mentale maternelle périnatale (MMHA) et enseignant de psychiatrie périnatale a? l’université de Southampton, qui lance cette alerte de manie?re tre?s documentée. La campagne dont il  est l’animateur s’intitule « Everyone’s business » (littéralement traduit, « c’est le boulot de tout le monde »). En France, aujourd’hui, de qui est ce le « boulot » ? Il existe bien une vingtaine d’unités d’hospitalisation conjointe me?re-enfant (94 lits environ) et une quinzaine d’unités d’hospitalisation de jour, pour prendre en charge parents souffrant de graves maladies psychiques. Mais l’essentiel des dépressions du post-partum reste largement sous diagnostiqué. Or une me?re sur dix est concernée.

 

Mieux veiller a? la santé psychique des jeunes mamans suppose de ne pas confondre la dépression du post-partum et le baby-blues. Peu de femmes échappent a? ce syndrome du troisie?me jour, qui se traduit en crises de larmes, sautes d’humeur voire bouffées d’anxiété juste apre?s la naissance. Jusqu’a? 80 % des me?res peuvent ainsi e?tre affectés d’un trouble passager qui s’explique par la conjonction d’une fatigue ajoutée au bouleversement physiologique liée a? la brusque chute hormonale. Ces sympto?mes disparaissent généralement en quelques jours sans nécessité d’intervention extérieure. La dépression, qui empruntera les me?mes signes, se manifeste, elle dans l’année qui suit la naissance, avec un pic a? 6-8 semaines apre?s l’accouchement, puis entre le 9e et le 15 mois. Détectée et accompagnée précocement, elle se traite. Mais elle peut parfaitement passer inaperçue. Par honte, les me?res osent rarement en parler, le cachant parfois me?me a? leurs plusprochespours’effondrerenlarmesunefoisseule,lepe?repartiautravail. Quantauxsoignants, il leur faut apprendre a? tendre l’oreille pour e?tre a? l’écoute de tous les signes de fragilité. Faible estime de soi, événements de vie stressants, isolement social, difficultés conjugales, bouleversement physiologique et fatigue liée a? l’arrivée de l’enfant sont les causes les plus fréquentes. Le stress lié a? l’accouchement peut jouer, surtout lorsqu’il se complique. Imaginez une me?re venue pour un accouchement a priori normal, dont il faut brusquement extraire l’enfant, soudain a? risque de souffrir. Dans l’instant, l’obstétricien ne pense qu’a? sauver l’un et l’autre, tandis que la me?re ressent une impression de mort imminente. Au matin, lors de la transmission du staff médical, on ne retient que l’issue heureuse. Et personne ne voit que la me?re va mal et qu’elle est bouleversée par ce qu’elle vient de vivre. Il arrive me?me que la me?re quitte la maternité sans que personne n’ait pu voir sa détresse et la prendre en charge.

 

Un espace pour repérer les failles

Le stress post-traumatique est grand pourvoyeur de dépression. Il doit faire l’objet d’une attention plus soutenue de la part des équipes soignantes, le repérage des facteurs de risque de dépression post partum pourrait se dérouler bien plus to?t, lors de l’entretien prénatal précoce, entre sages- femmes et futures me?res, a? 4 mois de grossesse. Il faut que toutes les maternités de France prévoient cet espace d’écoute, de discussion, pour repérer les fragilités. L’examen post partum, prévu 6 semaines apre?s l’accouchement, constitue une autre opportunité de repérage. Ce rendez- vous devrait e?tre l’occasion de vérifier si l’allaitement se passe bien, ou? en sont les relations avec le compagnon, et comment se passe le vécu psychique de la me?re.

La réduction drastique des moyens, humains dans les maternités n’est hélas pas favorable. Et pourtant, les anglais ont démontré que la prise en charge des troubles psychiques dans le post-partum est source d’importantes économies. Pour la santé des femmes, et de leurs enfants, c’est bel et bien une question de santé publique.

 

 

 


Source CNGOF le 6 mars 2019

 


*Viguera AC. Am J Psychiatry. 2000;157:179-184.

**Appleby L et al (1998)

***Pawlby et al 2009. « Antenatal depression predicts depression in adolescent offspring : prospective longitudinal community-based study ». J. Affect Disort, vol. 113, p. 236-243, https://www.ncbi. nlm.nih.gov/pubmed/18602698 

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