Lourdeurs, pesanteurs, sensation de corps étranger, troubles urinaires et sexuels et parfois même, extériorisation d'une hernie qui sort de la vulve, sont autant de symptômes qui signent une "descente d'organe". Cette affection fréquente, souvent taboue, peut altérer lourdement la qualité de vie des femmes qui en souffrent.
"Le vagin est un peu comme une maison avec un mur antérieur, un mur postérieur et un toit",explique le Dr Adrien Vidart. On peut avoir un effondrement de l'un des murs ou de la toiture lorsqu'un des organes de l'abdomen (rectum, vessie ou utérus) n'est plus suffisamment bien maintenu dans la cavité abdominale. Il vient alors reposer sur l'une des parois du vagin et entraîne une hernie. La majorité des prolapsus de la femme concerne la vessie (cystocèle), mais certains de ces affaissements associent plusieurs "étages" simultanément (cystocèle, hystérocèle pour l’utérus et/ou rectocèle pour le rectum).
Les causes des prolapsus sont assez similaires quel que soit l'organe touché.
- Soit il existe depuis l'origine un "défaut de construction", c'est-à-dire une moindre résistance du tissu conjonctif qui maintient ces organes. On retrouve des formes familiales de la cystocèle, des prédispositions génétiques. Les personnes affectées par des maladies du collagène (maladie de Marfan, Ehler-Danlos…) et celles ayant une peau rousse sont ainsi plus sujettes aux prolapsus.
- Soit la maison a été "fragilisée" par divers événements survenus dans la vie de la patiente : le tabagisme, les toux chroniques, l'obésité, les chirurgies pelviennes, la constipation, les ports de charges lourdes et les efforts répétés, sont autant de facteurs qui engendrent des augmentations brutales de pression dans la cavité abdominale et favorisent e développement d'un prolapsus. L'âge et l'arrivée de la ménopause entraînent une accélération du vieillissement de ces tissus.
Qu'en est-il des grossesses ? Pendant longtemps, la responsabilité des grossesses a été considérée comme majeure. Les accouchements difficiles (gros bébé, utilisation de forceps…) étaient notamment considérés comme à haut risque. "Un accouchement c'est un peu comme si l'on voulait faire passer une noix de coco dans le diamètre d'un tuyau d'arrosage", résume le Dr Vidart. La prévalence et le grade des prolapsus de tous les compartiments augmentent avec la parité (le nombre de grossesses). Au-delà de 4, chaque accouchement par voie basse représente un risque supplémentaire de 10 à 20 %. L’épisiotomie n’est ni protectrice ni un facteur de risque pour le prolapsus spécifiquement.
Toutefois, l'analyse de la littérature montre que l'impact de l'accouchement est moins important qu'on le pensait. "Paradoxalement, ce n'est pas l'accouchement qui est le plus problématique mais la grossesse." D'ailleurs, le risque de cystocèle n'est que très modestement diminué chez les femmes qui ont accouché par césarienne par rapport à celles qui donnent naissance à leur enfant par voie basse.
En revanche, le fait de porter des jumeaux n’accroît pas sensiblement le risque. L'âge de la première grossesse n'a pas d'impact non plus.
Ce qui compte le plus, c'est la manière dont se déroule la grossesse. Si la maman prend 10 kg de trop pendant la gestation et si, en outre, elle peine à perdre ce surpoids après la naissance de son enfant, son risque de prolapsus est majoré. Le facteur clef est donc bien la surcharge pondérale.
Réduire le risque de survenue d'une cystocèle consiste donc à agir sur les facteurs connus de prolapsus, à savoir éviter tout surpoids, avoir une prise de poids raisonnable pendant ses grossesses, ne pas fumer et soigner les pathologies susceptibles de fragiliser les tissus de soutien. Quid de la rééducation périnéale ? Autant cette rééducation a fait ses preuves dans la prise en charge des incontinences urinaires au point d'être le traitement de référence de certains troubles de la continence, autant il est difficile de certifier qu'elle ait un impact réel sur la prévention des descentes d'organes.
De nombreuses femmes ont une cystocèle perceptible à l'examen mais n'ont aucun signe fonctionnel ou des signes mineurs. On ne les opère pas. La chirurgie n'est proposée que lorsque le prolapsus s'accompagne de symptômes gênants : pesanteur, lourdeur, difficulté à uriner, troubles sexuels… L'intervention est habituellement peu douloureuse, autorisant une reprise d'activité rapide. Elle peut être, dans certains cas, réalisée en ambulatoire. Si la patiente est encore en activité, un arrêt de travail de 15 jours à un mois est requis (selon sa profession, son âge, ses antécédents…). L'opération se réalise principalement selon deux voies d'abord :
- Par voie abdominale (coeliochirurgie) : le chirurgien fixe un filet au "promontoire", un ligament assez résistant situé dans l'abdomen. Cette "promontofixation" est une chirurgie développée depuis plusieurs décennies, les résultats sont excellents, les prothèses bien tolérées, les récidives rares.
- Par voie vaginale. Le vagin est tolérant, résistant et cicatrise bien. Le chirurgien réduit la hernie en réalisant une simple "couture" des tissus. C'est une chirurgie efficace, mais son taux de récidive à 5 ou 6 ans est plus important. En cas de récidive, il est possible d'utiliser un matériel prothétique (filet) pour consolider la réparation.
Pour les femmes qui ne souhaitent pas être opérées ou qui veulent retarder l'intervention, l'urologue peut préconiser un pessaire : on insère ce dispositif au fond du vagin, pour "remonter" l'organe qui fait saillie. Il existe des pessaires de formes variées selon l'organe (cystocèle, rectocèle, hystérocèle) et en fonction des antécédents chirurgicaux (les pessaires ne sont pas les mêmes pour les femmes ayant subi une hystérectomie).