C'est le journal Le Monde qui rapporte cette prédiction de Charles De Gaulle. « Un jour, prophétisait le Général, les Etats Unis quitteront le vieux continent ». Des décennies plus tard, avec l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche, on y est…peut-être. L'Europe doit-elle s'effrayer ? Elle peut en tout cas s'inquiéter.
On est resté un peu interloqué en écoutant l'ancien journaliste, Bernard Guetta, aujourd'hui député européen, affirmer lors de l'émission « C..ce soir » sur France 5, que l'Europe unie (sic) était prêt à relever le défi que le nouveau locataire de la Maison Blanche pourrait lui lancer au lendemain de son investiture en Janvier prochain.
On pourrait croire plus facilement le parlementaire, si l'Europe, ces dernières années et ces derniers mois, avait fait preuve de détermination et surtout avait affirmé son unité. Or, mis à part le contexte de la guerre en Ukraine, et encore c'est vite dit, on cherche les points d'accord entre les vingt sept. L'Europe n'est plus ce continent qui parle d'une seule voix. L'Europe de Victor Orban, le maître hongrois, de Giorgia Meloni, la présidente du conseil italien, des dirigeants des pays scandinaves, celle des prochains présidents de Tchéquie, de Slovaquie, voire de Roumanie, n'est pas la même, et semble très éloignée de celle qui prévaut, et encore pour combien de temps, en France, en Espagne ou en Allemagne.
Non, l’Europe n’est pas unie. Cela peut réjouir Trump, mais inquiète les économistes et les « patrons » des entreprises françaises et européennes. « Il faut que l'Europe se muscle, commente un spécialiste du CAC 40 dans le Figaro, il va y avoir, un rapport de force et il faudra, poursuit-il, une réponse unitaire de l'Europe, alors que Trump sera tenté de traiter en direct avec Orban, Méloni ou Macron ».
Si le président élu met en œuvre son programme et applique des droits de douane de 10% voire 20 % sur les produits importés d'Europe, (60% pour la Chine) quelles réponses décidera le Conseil européen ? Et comment espère t-il, rassurer les pays qui pourraient être tentés de négocier directement avec Washington -et ce n'est pas une simple vue de l'esprit- afin d'obtenir une diminution de ces droits ?
En fait, c'est l'avenir de l'Europe qui peut se jouer ces prochains mois ou ces prochaines années. D'autant que la situation économique des pays de l'Union n'est guère florissante. En particulier, celles de la France et de l'Allemagne sur qui a reposé longtemps le destin européen.
Enfin dans ce contexte, il faut bien aborder le problème des produits pharmaceutiques et des médicaments. « Je ne comprendrais pas que ce secteur soit touché » veut se rassurer un industriel du secteur. Ainsi, dans une déclaration à l'agence Reuters, l'italien Recordati, très présent aux Etats Unis où il réalise prés de 17% de son chiffre d'affaires mondial, ne se dit pas très concerné par les nouveaux droits de douane américains qui vont être imposés, car, dit-il, ou espère-il, ils devraient avoir peu d'impact sur son activité dans le domaine des maladies rares et des affections de longue durée. Pas gagné...
S'agissant de la France, l'on sait que Les Etats Unis sont le premier pays importateur des médicaments français devant la Belgique et l'Allemagne. Avec un solde commercial positif. Ce qui suscite évidemment quelles inquiétudes sur l’avenir. Là encore se pose un problème crucial. Les ou des industriels français ne seraient-ils pas tentés de dialoguer directement avec les proches du prochain président ?
C'est évident. Mais le médicament est l'un des seuls secteurs industriels qui transcendent les intérêts strictement nationaux. Faire cavalier seul dans ce dossier serait très mal ressenti par les autres pays européens… qui y réfléchissent quand même de leur coté. Mais de telles décisions auraient des conséquences si fortes qu'elles imposent une analyse particulière.
En filigrane, un autre danger se profile. C'est la firme Morningstarn, entreprise multinationale dont le siège est à Chicago, qui fournit des informations et des conseils, sur les placements en Amérique du Nord, en Europe, en Australie et en Asie, qui le lève. « Le secteur pharmaceutique, explique-t-elle dans un document, dispose d'une flexibilité encore plus grande pour décider où investir dans la recherche et le développement, en particulier pour le développement de nouveaux médicaments. ». Mais attention,prévient Morningstarn, des droits de douane élevés, combinés à une réglementation plus favorable aux États-Unis qu'en Europe, « pourraient entraîner un transfert des investissements et de la production de l'Europe vers l'Amérique du Nord ». Avec de telles répercussions sur l'emploi et l'économie qu'il est ardu de les évaluer. Mais surtout qui a de quoi inquiéter l’Europe et la France.