En substance, on entend par médicament “orphelin”* un produit “destiné au diagnostic, à la prévention ou au traitement d’une maladie affectant un nombre restreint de personnes” en regard d’une population donnée -moins d’une personne sur 2 000- soit moins de 30 000 personnes pour la France, ou encore un produit dont la commercialisation, en générant des bénéfices insuffisants par rapport à l’investissement nécessaire, ne pourra intervenir qu’à travers des “mesures d’incitation”.
Le nouveau réglement européen précise encore qu’aucune méthode satisfaisante -reconnue au sein de la Communauté européenne- de diagnostic, de prévention ou de traitement de la maladie concernée ne doit exister en parallèle… à moins de prouver que le nouveau médicament orphelin procure un bénéfice supérieur à celui existant.
Tout médicament sera dès lors évalué par un Comité des médicaments orphelins institué au sein de l’Agence européenne du médicament (installée à Londres). Ce Comité se superpose au CSP (Comité des Spécialités Pharmaceutiques) actuel afin de diluer la charge de travail et permettre une prise de décision plus rapide et plus transparente. Il est composé d’un représentant par pays membre, de 3 représentants des associations de patients et de 3 représentants de l’Agence du médicament (soit 21 personnalités nommées pour 3 ans renouvelables). Ses missions seront avant tout d’examiner les demandes de désignation de produits en tant que médicaments orphelins, de conseiller la Commission européenne sur sa politique des médicaments orphelins au sein de l’Union, d’assister la Commission lors de discussions internationales ou de rencontres avec les groupes d’assistance aux patients.
Lorsqu’une AMM est accordée à un médicament orphelin par l’Agence européenne ou par tous les Etats membres, la Communauté et ces mêmes Etats membres s’abstiennent -pendant 10 ans- d’accepter une autre AMM dans la même indication thérapeutique, d’accorder une AMM ou de répondre favorablement à une demande d’extension d’une AMM pour un médicament similaire.
Cette période peut cependant être ramenée à 6 ans si, à la fin de la cinquième année, on peut considérer que les critères de désignation d’un médicament orphelin ne sont plus remplis, et notamment que sa rentabilité est suffisante pour ne plus justifier le maintien de l’exclusivité commerciale.
Cela étant, il existe quelques dérogations possibles. Ainsi, un produit similaire à un médicament orphelin peut se voir accorder une AMM : si le titulaire de l’autorisation de ce médicament donne son consentement, si le titulaire de l’autorisation n’est pas en mesure de fournir le médicament en quantité suffisante, ou encore si le second demandeur prouve que son médicament similaire est plus sûr, plus efficace ou cliniquement supérieur sous certains aspects.
Dans les 10 mois à venir, la Commission européenne publiera un inventaire détaillé de toutes les mesures d’incitation mises en place par l’Union européenne pour favoriser la recherche, le développement et la mise sur le marché des médicaments orphelins. Par ailleurs, si le texte européen est entré en vigueur le 22 janvier, on doit néanmoins attendre les décrets (a priori imminents) de cette même Commission avant de le voir applicable.
La politique communautaire, on le voit, est encore en cours dans ce domaine, mais la publication de ce Réglement, qui aura demandé 5 ans d’efforts avant d’être voté par le Parlement de Strasbourg, est d’importance. Elle permet notamment de rattraper un énorme retard par rapport aux Etats-Unis et au Japon qui disposent d’un Orphan Drug Act depuis, respectivement, 1983 et 1993…
Il faut rappeler pour conclure que ce texte doit beaucoup au travail de la France et notamment de la Mission des médicaments orphelins créée en 1995, avenue de Ségur, après publication un an plus tôt d’un rapport -”Les orphelins de la santé”- rédigé à l’initiative de l’Inserm. Cette Mission entend désormais accompagner l’initiative européenne par des actions nationales, entre autres d’information auprès des industriels pharmaceutiques et de tous les autres acteurs concernés par la mise sur le marché de médicaments orphelins.
La Direction générale de la Santé et l’Inserm viennent de mettre en place un site Internet, “orphanet”, accessible au http://orphanet.infobiogen.fr, pour apporter toutes les informations disponibles sur les maladies rares et les médicaments orphelins. L’OMS évalue à 5 000 le nombre de maladies rares dans le monde, dont 80% d’origine génétique.
Visite Actuelle - Avril 2000 - page - 13