Et si le Royaume Uni avait eu raison ? Et si la lutte contre le coronavirus ne regardait que les Etats, mode ancien « monde » ? Et si l’Europe finalement n’était qu’un leurre et n’existait pas ?
C’est ce que devait penser à l’évidence, le Premier ministre italien Giuseppe Conte, qui a hésité à raccrocher son téléphone lors du dernier Conseil Européen qui réunissait en visio conférence présidents et chefs de gouvernement des 27 états de l’Union. C’est ce qui a aussi incité le premier ministre espagnol Pedro Sanchez à s’adresser aux dirigeants européens des pays du nord de l’Europe dans une tribune libre publiée en Allemagne dans un des plus importants média du pays.
Car en vérité, c’est bien de cela qu’il s’agit. La fracture entre « nordistes « et « sudistes » a rarement été aussi profonde. On avait déjà vécu une situation tendue lors de la crise grecque où il s’en est fallu de peu que la zone Euro n’explose et avec elle l’union tout entière.
Et aujourd’hui les grands clichés resurgissent. Amer, l’ancien premier ministre italien Enrico Letta lorsqu’il montre du doigt ces européens qui veulent séparer les pays européens entre « cigales et fourmis» ; Et de s‘insurger que « ces dernières autoproclamées vertueuses accusent les autres de vouloir trop dépenser ». Visées notamment l’Allemagne, les Pays Bas, l’Autriche et la Finlande, qui craignent de devoir financer les dettes des pays les moins fortunés. Or, en l’occurrence, il est difficile d’accuser Italie, Espagne et autres pays du sud, dont peut-être la France, de pays du « dilettantisme », alors que le Covid 19 les a frappées de plein fouet sans que leur responsabilité, notamment économique ne soit en cause. Enorme différence avec la crise grecque. Colère aussi du premier ministre italien actuel, après les propos peu amènes, et le mot est faible, du chef du gouvernement des Pays – Bas, Mark Rutte, montrant du doigt le gouvernement de Rome, alors que la crise sanitaire n’a rien à voir avec la dette.
Or, l’Europe ne peut se payer le luxe d’une nouvelle crise après le Brexit. Bruxelles l’a bien compris, peut-être un peu tard mais les excuses de la présidente de la commission européenne, Ursula von der Leyen, assurant que « l’Europe était aux côtés de l’Italie », et que l’Union débloquerait 100 milliards d’euros notamment pour aider les pays les plus durement touchés, sont de nature à calmer les esprits. De même l’initiative de deux commissaires européens, le français Thierry Breton et l’italien Paolo Gentiloni, demandant aux 27 Etats membres de l'UE de faire preuve de "solidarité" en créant un fonds européen financé par l'impôt et capable d'émettre des obligations à long terme, des « coronabonds », devrait servir à calmer les ardeurs des uns et la colère des autres.
Mais tout danger de schisme n’est pas écarté pour autant. Les discussions et les orientations arrêtées par le prochain conseil européen et donc par les présidents et chefs de gouvernement seront lourds de conséquences. Si aucun accord réaliste n’est conclu, le risque d’une crise politique majeure sera grand. L’Europe serait gravement en danger et le monde avec elle. Les aventuriers, les démagogues et autres populistes auront alors un boulevard devant eux.