On doute qu’Agnès Buzyn ait apprécié. Mais silence dans les rangs. Le Président a dit.
Prenant à contre pied sa ministre de la Santé, qui avait affirmé, lors d’une émission de France 2, que le vin était un alcool aussi dangereux que le whisky ou d’autres spiritueux, Emmanuel Macron a répondu qu’il buvait du vin midi et soir et signifiait, en creux, qu’il ne se portait pas plus mal pour cela. « Tant que je serai président, il n'y aura pas d'amendement pour durcir la loi Evin » a ajouté le chef de l’Etat. Le vin « n'est pas notre ennemi » et il n’est pas question « d’emmerder les français ».
Le milieu viticole peut donc se rassurer : pas de renforcement de la loi Evin, pas de restriction nouvelle de la publicité sur les vins ; pas de nouveau texte coercitif. En 2015, le parlement a voté un amendement à la loi Evin assouplissant le régime de la publicité du vin et des alcools et permettant de distinguer ce qui relevait de la pure publicité et de l’information ; un texte qui avait à l’époque stupéfait le monde scientifique et la ministre de la santé Marisol Touraine...
Aujourd’hui, le Président et plusieurs de ses ministres sont sur cette même ligne, dans cette même logique et réaffirment leur volonté de ne pas toucher à un secteur qui sait sa puissance et sa force de lobbying. D’autres s'inquiètent dans le monde scientifique de cette intransigeance et ont déjà mal vécu la nomination à l’Elysée au poste de conseiller de l’agriculture d’Audrey Bourolleau qui occupait jusqu’alors le poste de déléguée générale de Vin et Société, une instance de lobbying très influente tant au niveau national qu’au plan européen.
La controverse n’est pas nouvelle. Pris en étau entre les scientifiques, le monde de la santé d’une part et les mondes agricole et viticole, d’autre part, avec lesquels il n’est pas question de se fâcher aujourd’hui – on l’a vu au salon de l’agriculture – le pouvoir politique a choisi. Christophe Castaner, secrétaire d’Etat auprès su Parlement, a certes voulu apporter quelques apaisements au monde médical en précisant que si le vin n’était pas notre « ennemi », a-t-il dit, en revanche « l'alcoolisme est toujours notre ennemi ». Mais le vin plaide le ministre « c'est un alcool qui n'est pas fort et qui du coup fait partie de notre tradition, de notre culture, de notre identité nationale ». Les viticulteurs sourient. Il est vrai que l’enjeu n’est pas simplement politique mais bien économique.
L'année dernière, la France a vendu à l’export 198,6 millions de caisses de 12 bouteilles de vins ou d'alcools dans le monde, soit 5% de plus que l'an passé, qui ont rapporté 12,9 milliards d'euros, soit une progression de 8,5%, selon les statistiques publiées par la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS). Ce qui place le secteur au deuxième rang des exportations françaises. Derrière l’aéronautique. Certes, c’est le cognac qui permet d’abord cette belle performance mais le vin a obtenu également d’excellents résultats mettant fin à plusieurs années de résultats médiocres.
Alors que le commerce extérieur de la France connait un déficit sans précédent, la performance du secteur vins et spiritueux rassure le président de la République et son gouvernement. Et il n’est pas question de le pénaliser aujourd’hui. D’autant plus que la force et l’influence du monde viticole dans toutes les ragions françaises ou presque ne sont plus à démontrer et à surtout à négliger. Preuve en est que les représentants de la filière viticole seront reçus le 6 Mars au ministère de la santé, une première depuis longtemps, par Agnès Buzyn, en présence de Stéphane Travers, ministre de l'agriculture. Ce qui ressemble fort à un ordre venu de très haut.
Il n'est pas certain qu'Agnès Buzyn ait vraiment aimé. Mais elle s'en remettra....