Avec plus de 30 000 lits et 84 000 collaborateurs, dont près de 18 000 médecins, au sein de 55 établissements hospitaliers, la plupart en Ile-de-France et quelques-uns en province –notamment à Berck (Pas-de-Calais), Hendaye (Pyrénées Atlantiques), San Salvadour (Var), Liancourt (Oise), La Roche Guyon…- l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris représente à l’évidence un marché considérable, particulièrement convoité, notamment lorsqu’il s’agit de médicaments et de dispositifs médicaux.
La gestion en est assurée par une AGAM, “Agence générale des approvisionnements médicaux”, qui exerce à la fois des activités de pharmacie hospitalière et des activités d’établissement pharmaceutique à partir du tout nouveau site de Nanterre (Hauts-de-Seine), sur une surface de 20 000 m2.
Ses missions sont de 5 ordres : les achats médicaux, la distribution, la fabrication, l’information et la documentation médico-pharmaceutique, enfin la prise en charge des études biomédicales.
Au-delà des trois premières missions qui apparaissent incontournables, l’AGAM a en charge –à travers le SIMP (Service d’information médico-pharmaceutique)- la gestion, l’exploitation et la valorisation d’un fonds documentaire d’origine multiple, consultable dans la salle de lecture parisienne de la rue du Fer à Moulin –largement accessible aux professionnels de santé, membres ou non de l’AP- ou sur abonnement (les laboratoires pharmaceutiques peuvent ainsi obtenir, moyennant finance, des copies d’articles scientifiques en contactant le 01 46 69 12 12). Parallèlement, un second service est chargé d’apporter des réponses aux questions posées, y compris par téléphone, sur des sujets pointus (tels que la fabrication des médicaments, la pharmacovigilance, le nom français de médicaments étrangers, etc).
Par ailleurs, le “Service des essais cliniques” de l’Agence au sein de la Pharmacie Centrale assure la prise en charge pharmaceutique des études biomédicales portant sur un médicament ou un dispositif médical dont l’AP-HP est promoteur, au sens de la Loi Huriet-Sérusclat (voir encadré).
Une des deux grandes missions de la Pharmacie Centrale est de vendre aux hôpitaux des médicaments non présents dans le commerce. Mais pour obtenir une préparation parfaitement adaptée, éviter tout mélange qui soit source d’erreur ou de contamination, elle peut fabriquer des formes particulières. Dans ce cadre, les règles sont claires : la Pharmacie Centrale fabrique et contrôle, à destination des hôpitaux français et parfois étrangers, (intégrés ou non à l’AP) uniquement les médicaments non disponibles sur le marché. Lorsqu’il s’agit de structures autres -un temps l’AP a fourni des ONG- l’Agence confie la fabrication du produit à un exploitant. La loi de 1996 interdit en effet à la Pharmacie centrale de fabriquer des préparations hospitalières copiant des spécialités existant sur le marché, alors que l’inverse est possible. Les laboratoires ont le droit de venir piocher dans son portefeuille (comme pour se protéger, l’Agence a désormais tendance à demander des AMM). Cela a pu être le cas par le passé pour des formes de morphine, entre autres. Cela étant il s’agit pratiquement toujours de “niches”, parfois de médicaments orphelins, et non des médicaments vendus à des millions d’unités.
Lorsqu’il s’agit de médicaments (orphelins ou non) non réservés à des malades hospitalisés, la Pharmacie Centrale demande en général des AMM et confie l’exploitation à des établissements extérieurs. Cela est notamment arrivé il y a quelques années pour la Métadone, produit lancé auparavant pour la substitution.
Cette fabrication s’effectue aujourd’hui dans les locaux parisiens de la rue du Fer à Moulin, en attendant l’arrivée de la future unité de Nanterre encore en construction, à côté de l’unité de stockage. C’est à Nanterre que les produits sont regroupés avant d’être répartis dans les hôpitaux : ceux de l’AP et éventuellement les hôpitaux hors AP-HP pour des produits issus de la Pharmacie centrale des hôpitaux de Paris et uniquement ceux de l’AP-HP lorsqu’il s’agit de produits achetés à des laboratoires pharmaceutiques.
En effet l’Agence générale des approvisionnements médicaux a aussi compétence pour l’achat de tous les produits de santé nécessaires aux hôpitaux de l’Assistance Publique. Cet achat s’effectue globalement sous forme de marchés, ou contrats, avec les laboratoires pharmaceutiques. Actuellement, la direction des achats passe chaque année environ 900 marchés nouveaux et ce sont les marchés d’appel d’offre qui progressent le plus vite en proportion par rapport aux marchés négociés. Preuve qu’on ne peut plus dans ce domaine passer par l’achat sur simple facture.
Dans la conception des marchés publics, on s’appuie sur le Code des marchés publics (en cours de refonte), lequel oblige, au-delà d’une certaine somme, de l’Ordre de 300 000 F (45 739 Euros), à rédiger un marché. Cela va alors du marché le plus simple -qui se résume à une simple consultation de quelques devis et le choix sur des critères précis, comme la meilleure qualité, le meilleur prix, le meilleur emballage et le meilleur service- au marché plus formalisé qui va s’efforcer, dans la plus pure tradition administrative, d’éviter tout “détournement” indélicat ou “prévarication”, de la part des “agents de l’Etat”.
Là encore, cela va de la simple mise en concurrence, qui en général consiste à choisir 2 fournisseurs pour 1 lot lorsque les prix sont voisins et que les quantités sont importantes afin d’éviter tout problème éventuel d’approvisionnement, à une mise en concurrence très officielle où la description des lots est publiée au Journal Officiel (éventuellement au Journal Officiel de la Communauté européenne, lorsque le montant de l’achat est conséquent). Voilà comment fonctionne l’appel d’offre (voir page 29).
Une fois l’appel d’offre lancé (avec prix sous plis scellés, échantillons testés…) il revient à la Commission d’appel d’offre de statuer. Cette Commission est composée d’administratifs, de directeurs d’hôpitaux, de représentants des finances, du conseil d’administration, etc. Autant de personnalités par définition “intouchables”.
Principale difficulté dans cette mission, définir si le produit acheté est ou non un “produit de monopole” (auquel cas la procédure d’achat est très simple). Exemple : lorsqu’il s’agit d’acheter des produits équivalents ou des génériques, un appel d’offre suffit; lorsqu’il s’agit d’acheter deux produits apparemment équivalents mais comportant d’éventuelles nuances d’indications (il en va souvent ainsi pour les produits de contraste), il y a risque de réactions secondaires chez certains malades. Dans ce cas on choisit assez souvent, sur avis des prescripteurs, d’acheter -“par dérogation”- les deux produits auxquels on accorde le statut de “monopole”.
Intervient également le problème, récemment soulevé, de la liste des médicaments agréés à l’usage des hôpitaux. Créée dans les années 50, elle se justifiait alors pour éviter l’entrée à l’hôpital de produits inutiles, touchant à la cosméto, ou de formes pharmaceutiques chères. Elle a été maintenue depuis, peut-être par conformisme administratif, mais elle n’est plus de mise. Aujourd’hui, les hôpitaux ont développé des centres de long séjour et pris en charge les prisons pour lesquels cette liste gêne beaucoup aux entournures. Dans les centres long séjour ou dans les prisons, les individus peuvent souffrir d’acné, de cors aux pieds ou autres affections ne supposant pas l’hospitalisation mais nécessitant des produits non inscrits sur la liste. De même, les malades hospitalisés ne laissent pas à la porte de l’hôpital leurs pathologies ambulatoires…
Il faut alors faire des demandes de dérogation, auxquelles l’administration ne répond jamais, donc transgresser la règle…
Ce problème en appelle un autre, tout proche, celui de la “rétrocession de médicaments réservés à l’usage hospitalier”. Depuis 1994, un décret permet aux pharmaciens d’officine de délivrer des produits qu’un malade sorti de l’hôpital devrait continuer à venir acheter à la pharmacie hospitalière puisque issu de la Pharmacie Centrale. Question de distance ou de volonté, il préfère alors confier l’ordonnance à son officinal, lequel la transmet à la Pharmacie Centrale par l’intermédiaire du grossiste alors chargé d’en rapporter les produits prescrits (auparavant le délai était de un à trois jours ; il est passé à 15 jours cette année… à moins que l’officinal vienne lui-même s’approvisionner). Aujourd’hui, ce sont plus de 400 produits de la réserve hospitalière que la Pharmacie Centrale vend ainsi à des patients ambulatoires !…
Là encore il conviendrait d’en transférer la plupart “en ville”, éventuellement après les avoir gardés un temps en réserve hospitalière dans le cas de maladies graves, comme le Sida ou les cancers.
La Pharmacie Centrale se comporte donc un peu comme les HMO états-uniennes, à cette différence près cependant que la HMO peut obliger “ses” médecins à prescrire un produit plutôt qu’un autre. Ici, en France, la Pharmacie Centrale “obéit” plutôt à la demande de ses “prescripteurs rois”. C’est éventuellement auprès d’eux ou auprès des directeurs d’hôpitaux, et non auprès des responsables de l’AGAM, que la visite prend toute son importance. D’autant qu’on est entré, peut-être dans le secteur hospitalier plus qu’en ville, dans l’ère du partenariat où l’ensemble des services apportés par le laboratoire au-delà du médicament lui-même prend toute son importance.