Fragilité et dépendance
La fragilité individuelle d’une personne âgée n’est pas fonction de son âge mais de sa capacité à gérer de multiples stress. L’image du verre plus ou moins robuste ou déjà ébréché décrit bien cette disposition plus ou moins importante à résister à un choc (stress dans ce cas). À 75 ans on estime que 50 % des personnes âgées sont robuste et résistent bien aux stress. Alors que 40 % sont préfragile, voire fragile et 10 % dépendante. Le passage de la situation de robustesse à celle de fragilité est aussi la conséquence de l’intensité du stress supporté à un moment donné. Si l’on reprend l’image du verre, la résistance d’un verre se détermine à sa capacité à rester intact à une chute d’une hauteur plus ou moins importante et/ou à la répétition de celle-ci.
Dénutrition et activité physique
L’isolement et l’incapacité à gérer le quotidien sont les conséquences d’une perte de la capacité à se nourrir convenablement et à avoir une activité physique. Cet état de fragilité est réversible si la personne peut retrouver de la masse et du tonus musculaire. Ce qui n’est possible que si elle a les apports protéinés et l’activité physique nécessaire. Le pharmacien est l’acteur de proximité pour accompagner la personne âgée sur le chemin difficile de la reprise de son autonomie.
Le rôle du pharmacien
L’enquête PHSQ — CVAO montre l’intérêt réel que porte le pharmacien aux personnes âgées. Elles démontrent que les officinaux ressentent très fortement leur rôle de facilitateur du quotidien des personnes âgées. Ils comprennent bien que la fragilité est en lien avec la dépendance. Qu’ils envisagent avec réalisme comme une difficulté à gérer le quotidien et à se déplacer voire à s’isoler. En revanche ils considèrent trop peu fréquemment les critères d’observation et/ou mesurables que sont par exemple la perte de poids ou les difficultés de déglutition. Ces critères permettent de suivre le risque de fragilité et de le prévenir par des mesures concrètes comme le suivi du poids, mais aussi d’agir efficacement et en relation avec le médecin pour rendre réversible un état de fragilité.
Pour ce faire il faut que la personne âgée bénéficie d’une mobilité optimale pour maintenir une vie de relation. Celle-ci ne peut être maintenue que lorsque la personne a une alimentation et une activité physique correcte. Un apport hyper protéiné doit être accompagné d’une augmentation de l’activité physique afin de maintenir une masse musculaire. La survenu d’un état de fragilité est la conséquence d’une multitude de facteurs négatifs et reste difficilement prévisible tant il est relation avec une infinité de possibilités de stress, au premier rang duquel le risque infectieux. Aujourd’hui les études à disposition ne permettent pas d’évaluer par exemple l’impact de l’isolement ou des troubles de l’humeur dans le passage à la fragilité, pour autant chacun de nous a l’intuition peut être fautive que l’un est la conséquence de l’autre.
Créer les conditions d’une réversibilité de la situation de fragilité
Pour en revenir à la fragilité, le diagnostic de fragilité est bien documenté et obéit à des protocoles scientifiquement éprouvés. En revanche une fois que le diagnostic est posé. La mise en place de la thérapeutique demande un suivi opérationnel qui fait aujourd’hui défaut. Les acteurs de soins devraient se donner les moyens de créer un parcours de soins permettant de créer la motivation et les moyens d’une activité physique spécifique et adaptée pour les personnes fragiles. Notre système de santé manque de cet accompagnement opérationnel si nécessaire à la réversibilité de la situation de fragilité. Aujourd’hui on estime à raison qu’il faut gérer la dépendance, mais ne faudrait-il pas se donner les moyens d’en reculer la survenue le plus longtemps possible en admettant que cette situation n’est pas obligatoirement inéluctable.
Agir en interprofessionnalité
La seconde table ronde a réuni les interlocuteurs de la personne âgée que sont le médecin généraliste, l’infirmière et le pharmacien, mais aussi la représentante d’un label de démarche qualité HS2 et un infirmier de soins palliatifs.
La nécessité d’une interprofessionnalité de proximité est une nécessité. Malheureusement et malgré l’implication des intervenants et la qualité des opérations mises en œuvre, les résultats restent limités. Dans certains territoires la désertification médicale et la pénurie de certains médicaments rendent le travail des acteurs de soins difficiles. Ces derniers sont parfois dans des situations économiques tendues alors même que leur intervention apparaît comme particulièrement utile. Les critères économiques empêchent souvent d’envisager une prise en charge efficace et parfois préventive des personnes âgées souvent laissées en déshérence faute d’investissement dans un accompagnement de proximité.
Heureusement des antennes mobiles permettent la visite d’infirmières spécialisées au domicile de patients qui ne peuvent plus se déplacer et des associations viennent en aide à ces personnes isolées en les visitant. Le pharmacien en tant qu’acteur de soin de proximité peut faciliter ces prises en charge en conseillant les patients et leurs aidants.
Fin de vie
La peur de la dépendance majeure c’est-à-dire d’être un poids pour les autres. L’image de ne plus être qu’un corps sans relation avec son environnement pousse des personnes âgées à écrire une directive anticipée c’est-à-dire ses dernières volontés concernant les soins en fin de vie. Cette mesure utile dans des cas précis ne doit pas devenir une règle intangible pour la majorité des personnes âgées. La personne peut changer d’avis en fonction de son état de santé. Il faut donc savoir en parler sereinement. Le pharmacien en tant qu’un des interlocuteurs du patient se doit donc de connaître les éléments de cette disposition afin de pouvoir conseiller au mieux les patients.