"Le Collège considère que les modalités de prise en charge des allergènes préparés spécialement pour un individu (APSI) devraient être harmonisées à celle de leurs alternatives thérapeutiques, à l’exception des formes injectables qui ne devraient pas relever d’une prise en charge par la solidarité nationale". Telle est la conclusion de la recommandation de la HAS du 13 décembre 2017.
Une décision surprenante, puisque la HAS s’appuie sur des études qui ne peuvent pas être comparées à celles retenues pour les autres médicaments. La différence fondamentale provient du fait que la désensibilisation est un traitement de la cause de l’allergie, le seul qui soit capable de modifier l’évolution de la maladie, et qu’il est adapté à chaque allergie de chaque patient. Par ailleurs, dans cette analyse, aucune place n’a été donnée à la vraie vie, celle que nous, allergologues, nous voyons et nous vivons dans nos cabinets jour après jour.
Cette médecine, qui bien entendu évolue avec les connaissances et les données des études publiées, est la « vraie » médecine, celle de tous les jours, de milliers de patients pris en charge après des années d’errance thérapeutique. « Au bout du rouleau », « fatigués », « n’en pouvant plus » de cette rhinite qui leur pourrit la vie, l’école, le travail, les loisirs, le sport, la vie sociale et familiale : voilà ce que nous entendons quotidiennement. Mais aussi… « si on avait su, on serait venus vous voir plus tôt », « vous nous avez changé la vie », « comment vous remercier, mon enfant n’est plus malade, il ne tousse plus, ne se mouche plus, ne manque plus l’école », « j ‘ai pu reprendre le sport » « je respire enfin par le nez » et des centaines, des milliers de paroles comme celles-ci.
Pour entendre cela, il faut avoir écouté attentivement les plaintes de nos patients, avoir fait le diagnostic de leur allergie et leur proposer un traitement, alors qu’ ils ont souvent épuisé toutes les autres ressources thérapeutiques. Il nous faut donc des produits pour le diagnostic, mais ces produits risquent de disparaître puisque les industries qui les fabriquent peuvent décider de se désengager. Ce sont les mêmes sources d’allergènes qui fournissent les tests pour le diagnostic et les traitements de désensibilisation. Or 50 à 60 % des patients n’auront plus accès aux désensibilisations. C’est dramatique pour eux, et les allergologues n’auront plus les moyens de les diagnostiquer.
Cette recommandation, si elle reste en l’état, verra un recul du diagnostic et du traitement et sera un coup d’arrêt aux recherches absolument nécessaires pour les 30 et bientôt 50 % des français qui sont ou seront allergiques. Cette recommandation peut donc in fine générer un retour en arrière inacceptable, un désengagement de la société vis à vis de ces patients. Les allergologues ont besoin de produits de tests, les allergiques ont besoin de traitements spécifiques. Nous ne pouvons accepter cette décision injuste pour nos patients.