Situé au 3e rang des cancers les plus fréquents en France, le cancer colorectal reste la 2e cause de mortalité par cancer en France. Diagnostiqué à un stade localisé, il peut facilement être soigné par chirurgie. Lorsqu’il se propage et devient métastatique, les choses se compliquent et il ne peut que rarement être guéri ; les patients finissent par se trouver dans une impasse thérapeutique. Une nouvelle étude menée par Fanny Jaulin, directrice d’une équipe de recherche à Gustave Roussy, va proposer aux patients en échec thérapeutique un traitement sur mesure, établi grâce à des organoïdes, copie 3D de leur tumeur.
Organoïde de patient Il récapitule l’architecture et les caractéristiques du tissu (sain ou malade, par exemple tumoral) dont il est originaire. Son diamètre est équivalent à celui d’un cheveu. Les noyaux des cellules sont visibles en bleu, l’architecture des cellules, le cytosquelette, en rouge et la membrane des cellules en vert.
« À ce jour, la chimiothérapie reste le traitement de référence du cancer colorectal, et plus généralement des cancers digestifs. Ces cancers n’ont pas vraiment bénéficié des deux révolutions thérapeutiques récentes en oncologie que sont l’immunothérapie et la médecine de précision. Certains patients se retrouvent très vite dans une impasse thérapeutique difficilement acceptable car ils sont souvent encore en état de recevoir d’autres traitements », explique le Dr David Malka, oncologue spécialiste des cancers digestifs à Gustave Roussy.
Pour identifier des options thérapeutiques supplémentaires pour ces patients, les médecins-chercheurs de Gustave Roussy ont développé Organotreat-01, un essai clinique novateur de médecine personnalisée qui s’appuie sur des organoïdes.
« Un organoïde est une copie 3D de la tumeur d’un patient réalisée à partir d’un prélèvement. Cet avatar miniature de cancer reproduit ses particularités : caractéristiques biologiques, résistances aux traitements, reflet de l’histoire thérapeutique des patients… », précise Fanny Jaulin, directrice de l’équipe « Invasion collective » dans l’unité Inserm U1279 à Gustave Roussy qui co-dirige, avec le Dr Malka, l’essai Organotreat-01.
L’objectif de ce premier essai en France est d’identifier grâce à ces mini-tumeurs en 3D le meilleur traitement possible parmi un panel de médicaments et de l’administrer au patient. « Bien que les organoïdes soient désormais largement utilisés en recherche fondamentale, aucun essai clinique n'en a encore évalué le bénéfice pour guider le traitement des patients atteints de cancers digestifs », ajoute Fanny Jaulin.
Ce projet innovant va se dérouler en plusieurs étapes. La première consiste à créer au laboratoire les organoïdes de patients atteints d’un cancer colorectal avancé mais aussi du foie, des voies biliaires ou encore du pancréas à partir de la tumeur prélevée de manière non invasive par radiologie interventionnelle. Les patients seront inclus dans l’étude quand ils seront en dernière ligne de traitement standard.
Puis, 26 médicaments de chimiothérapie conventionnelle ou de thérapie ciblée, autorisés et indiqués soit dans des cancers digestifs, soit dans d’autres types de cancers sont testés sur les organoïdes. Ces médicaments seront évalués seuls ou en combinaison.
Les résultats seront analysés afin d’établir un chimiogramme sur mesure dans un délai de trois à six semaines suivant la biopsie. Cela permettra d’identifier d’éventuelles options thérapeutiques supplémentaires et d’administrer au plus vite au patient le traitement qui aura été le plus efficace sur les organoïdes dérivés de sa propre tumeur. L’objectif est aussi de mieux comprendre pourquoi la tumeur résiste ou répond à certains traitements.
Organotreat-01 est un essai clinique multicentrique de phase I/II qui bénéficie du soutien d’un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). 50 patients seront intégrés dans l’essai qui sera ouvert aux inclusions en janvier 2021. « D’ici là, si nous trouvons des financements supplémentaires nous espérons pouvoir étendre notre panel de médicaments pour proposer 39 molécules ce qui multiplierait les chances de succès et les combinaisons possibles. Nous voulons aussi coupler au chimiogramme un séquençage moléculaire tumoral exhaustif afin de comprendre quelles anomalies génétiques sont éventuellement associées à la réponse aux traitements », conclut Fanny Jaulin.
« Si l’essai s’avère concluant, cette procédure pourrait être étendue à tous les malades pour lesquels on ne dispose plus de traitement standard », complète le Dr David Malka.
Source Institut Gustave Roussy le 2 mars 2020