La situation de pandémie liée au virus Sars-CoV2, qui impacte notre système de santé, suscite de nombreuses inquiétudes pour les personnes atteintes de cancer et leurs proches. Pour les malades, une adaptation du traitement ou une reprogrammation d’une chirurgie a été nécessaire afin de limiter l’exposition au risque épidémique. L’oncologie figure parmi les filières de soins prioritaires. Toutefois, les professionnels de santé ont dû mettre en place de nouvelles organisations afin notamment de pallier la fermeture de blocs opératoires lors du 1er confinement puis des disponibilités plus restreintes liées au confinement actuel. Cette réorganisation était indispensable pour assurer la continuité des soins des patients et éviter les pertes de chance. Pilotage en lien avec les autorités sanitaires, coopération inter-hospitalière, priorisation des interventions chirurgicales ou évaluation et allocation des ressources humaines en fonction des besoins ont ainsi été mis en œuvre par l’Institut national du cancer et l’ensemble des professionnels de santé, pleinement mobilisés pour que les patients accèdent à leurs traitements dans les meilleures conditions de sécurité et de qualité.
Garantir le suivi et la continuité des soins tout en évitant les pertes de chance : une priorité de l’Institut national du cancer et des acteurs de la cancérologie Cette préoccupation a été immédiate, elle s’est organisée. Un comité national « Cancer et COVID-19 », piloté par l’Institut en lien avec la Direction Générale de l’Offre de Soins et la Direction Générale de la Santé, réunit chaque semaine les acteurs de la filière oncologie. Constitué dès le mois de mai, ce comité favorise les rencontres et les échanges avec les acteurs de terrain. Riches d’enseignements, notamment au travers des retours d’expériences, ces échanges permettent aux autorités sanitaires d’éditer des préconisations organisationnelles au plus près des besoins, à destination des professionnels, en tenant compte de l’évolution épidémique. Ainsi les professionnels de santé sont aidés, dans un cadre défini, à adapter les dispositifs en tenant compte des spécificités territoriales. La période que nous vivons et avons vécue, instable d’un point de vue sanitaire, impacte largement l’organisation des établissements de santé et de ses personnels. Elle bouscule le fragile équilibre entre les filières COVID et non COVID. Les professionnels de santé ont fait preuve d’une grande capacité d’adaptation afin de permettre aux patients atteints de cancer de poursuivre leurs traitements et d’être accompagnés dans la période difficile qu’ils traversent.
Un recul observé de 17 % de l’activité des chirurgies d’exérèse[1] entre mars et août 2020 comparativement à la même période en 2019 La crise sanitaire a eu un impact considérable sur l’organisation des services hospitaliers. La fermeture massive de blocs opératoires lors du 1er confinement, le redéploiement des équipes médicales et paramédicales dans les services de réanimation et la nécessaire limitation de l’exposition des patients non COVID au virus ont pu conduire les oncologues à adapter les séquences thérapeutiques des patients dès lors que cela n’induisait pas de pertes de chance.
Chaque décision fait l’objet d’une discussion dans le cadre d’une réunion de concertation pluridisciplinaire. Ainsi, dans certaines formes de cancer du sein, la radiothérapie peut être réalisée avant la chirurgie ; pour le cancer de l’œsophage la radiothérapie et la chimiothérapie peuvent être prescrites avec ou sans chirurgie. Ces inversions d’étapes dans le protocole de soins sont codifiées et s’appuient sur les travaux de sociétés savantes. Elles constituent un traitement adapté, d’une ambition inchangée. Des échanges entre le patient et l’équipe médicale, et notamment l’infirmière de coordination, sont nécessaires afin que ces changements ne contribuent pas à renforcer l’inquiétude les malades. En cas de difficulté, un contact avec le service des usagers de l’hôpital ou les réseaux régionaux de cancérologie peut être engagé.
L’analyse de la base des données nationales, observées dans le Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information[2](PMSI), montre un recul de 17 % de l’activité d’exérèse en oncologie, au cours de la période de mars à août 2020[3] par rapport à la même période en 2019 (151 581 chirurgies en 2020 vs 181 723 en 2019). Au cours de cette période, l’écart du nombre d’interventions entre 2020 et 2019 varie de - 4 % en Corse (792 vs 828) à - 36 % en Guyane (62 vs 94). Le recul le plus marqué est observé pour les cancers de l’œsophage (- 22 % soit 642 vs 498) ; le plus faible pour les cancers de l’ovaire avec - 6 % (3 850 vs 3 633).
Cet écart intègre des situations très différentes allant de patients dont le diagnostic était déjà établi mais pour lesquels une alternative ou un changement de séquence au traitement initial ont été proposés, à ceux dont les cancers n’ont pas été diagnostiqués sur la période. Les raisons certainement multiples de ces « non diagnostics » ne sont elles-mêmes pas clairement identifiées. Des renoncements aux consultations en cas de symptômes, ou la crainte de se rendre dans un établissement de soins pendant l’épidémie pour réaliser les examens de diagnostic voire pour y être traité, y côtoient un accès à l’offre qui s’est ici et là compliqué. Ces comportements de fuite, qui ont toujours existé, ont été majorés par les conséquences de la crise sanitaire. Sur la durée, il faut y ajouter l’interruption transitoirement forcée des dépistages organisés, lors du 1er confinement, pour les personnes asymptomatiques.
Appeler chacun à ne pas renoncer aux soins, afin de bénéficier de l’accompagnement dont il a besoin pour lutter contre la maladie, est essentiel. Ce message s’adresse notamment aux populations cibles des dépistages organisés (dépistage du cancer du sein, du cancer colorectal ou du col de l’utérus), pour lesquels les examens (mammographie et examen clinique, test de dépistage immunologique ou prélèvement cervico-utérin) peuvent maintenant être réalisés dans le respect des règles sanitaires. Depuis la fin du premier confinement, les centres régionaux de dépistage des cancers envoient à nouveau les invitations pour ces dépistages.
Adapter la filière oncologie pour garantir la qualité et la continuité des soins : les professionnels de santé mobilisés Lors du premier et du second confinement, l’afflux de patients atteints de la COVID 19 dans les services de réanimation a contraint les établissements à y affecter des anesthésistes-réanimateurs et du personnel paramédical, ce qui a réduit la disponibilité des blocs opératoires et imposé une forte mobilisation de l’ensemble des acteurs de la filière oncologie.
Leurs équipes se sont réorganisées pour déployer des dispositifs adaptées au contexte local/régional, et assurer l’accompagnement des patients atteints de cancers en leur garantissant des soins répondant aux mêmes exigences de qualité et de sécurité qu’en période hors COVID. L’Institut national du cancer a souhaité donner la parole aux acteurs de terrain qui, sur l’ensemble du territoire, réorganisent en permanence les dispositifs pour assurer à leurs patients une continuité des soins et éviter les pertes de chance.
Au Havre, une collaboration public-privé a été mise en place dans le cadre de la chirurgie. Le Dr Alain Fuseau, président de la commission médicale et scientifique du Groupe Hospitalier du Havre (GHH), nous détaille ses contours :
Au sein de l’Assistance Publique Hôpitaux de Marseille (AP-HM), une réorganisation de l’activité chirurgicale a été élaborée. Établie sur la base d’une gradation commune en inter-spécialités et inter-établissements, elle permet de prioriser les actes chirurgicaux afin d’éviter les pertes de chance pour le patients. L’activité de chirurgie oncologique bénéficie du grade prioritaire comme nous l’indique le Pr Eric Lechevallier, Urologue et président du Conseil de Bloc, Hôpital La Conception de l’AP-HM :
Au sein de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris, les professionnels de santé membres de la cellule de crise ont organisé une programmation des activités chirurgicales en tenant compte de l’équité d’accès aux soins pour les patients. Le Dr Matthieu Le Dorze, anesthésiste-réanimateur au GH Lariboisière-St Louis et membre de la cellule de crise, détaille les éléments sur lesquels ils se sont fondés pour élaborer leur dispositif :
Dans le Grand-Est, le Réseau Régional de cancérologie, en lien avec l’Agence Régionale de Santé, a assuré la continuité des réunions de concertation pluridisciplinaire à distance afin de ne pas créer de rupture dans l’accompagnement des patients. Un dispositif d’information, à destination des patients, a également été développé pour les orienter dans cette période d’épidémie comme nous le détaille le Professeur Tan Dat N’Guyen, Président du réseau de cancérologie du Grand Est et le docteur Isabelle Klein son médecin coordinateur :
Le Centre Léon Bérard, centre de lutte contre le cancer, à Lyon, a mis en place une réunion de concertation pluridisciplinaire dédiée aux patients atteints de cancers et infectés par la COVID 19 mais également les porteurs asymptomatiques. Le Dr Souad Assaad, médecin interniste et onco-hématologue au Centre Léon Bérard revient sur ce dispositif :
[1] L’exérèse est une opération qui consiste à enlever une anomalie, une tumeur, une partie d'organe ou un organe entier. [2] Le Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information (PMSI) permet de décrire de façon synthétique et standardisée l’activité médicale des établissements de santé. Il repose sur l’enregistrement de données médico-administratives normalisées dans un recueil standard d’information. À noter que les données observées dans le PMSI, et communiquées ici, seront stabilisées en début d’année 2021. [3] Le décalage entre la période observée et la date de disponibilité des informations est lié aux délais nécessaires de recueil et de traitement des données.
REPÈRES CHIFFRÉS 2018 - 415 000 patients traités par chirurgie (exérèses et autres chirurgies du cancer) ; - 332 000 patients traités par chimiothérapie ; - 225 500 patients traités par radiothérapie. |