La classe des AOD est une des rares classes thérapeutiques de médicaments issus de la chimie à forte croissance. Les choix orientant son développement dénotent une nouvelle stratégie des laboratoires pharmaceutiques. Cette dernière se caractérise par une recherche du plus grand nombre d’indications possibles, et cela en jouant sur le dosage efficace des molécules pour une indication donnée.
Aujourd’hui, de nouvelles études ont démontré l’intérêt des AOD’s utilisés à faible dose. C’est ainsi que l’AMM du rivaroxaban s’est enrichi de la prévention secondaire du risque coronaire, de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs uniquement pour des patients à haut risque et au long court (au moins 3 ans). D’autres études évaluent l’utilisation des AOD dans un grand nombre d’indications : prévention après la pose d’une TAVI (pose d’une bioprothése de valve aortique), prévention de la maladie veineuse thrombo-embolique de patients à haut risque hémorragique. Les AOD vont si l’on en croit la richesse des études à venir introduire une relative généralisation du traitement oral dans la prévention du risque thromboembolique et cardiaque.
La caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) nous propose une étude rétrospective sur un an concernant des patients ayant initié un traitement sous anticoagulant oral entre janvier et juin 2013 à partir des chiffres de la base de données Sniram. Celle-ci collige l’ensemble des données de prescriptions et de délivrances de l’assurance maladie pour plus de 60 millions de personnes.
L’objectif des initiateurs de cette étude était de comparer la persistance (l’adhésion à la thérapeutique dans le temps) de patients initiant un traitement sous AVK ou sous AOD (dabigatran et rivaroxaban). Les résultats portés sur un peu plus de 11 000 patients pour les AVK et chacun des AOD’s.
Il a été étudié le taux d’interruption des traitements et cela selon deux définitions différentes (interruption de 60 jours associée ou non à un switch). Quel que soit les le type d’interruption, la persistance des traitements est sensiblement meilleure sous AVK que sous AOD. Les traitements AVK sont interrompus dans 19,4 % ou 29,1 % des cas selon la définition choisie pour les AVK et 22,5 % et 34,7 % pour le dabigatran et 22,3 % et 32,1 % pour le rivaroxaban. Seuls les patients de plus de 75 ans sous AOD’s sont plus persistants que ceux sous AVK.
Les initiateurs de l’étude concluent que la persistance, quelle que soit la définition retenue n’est pas améliorée par une prise simplifiée sans changement de posologie ni suivi biologique. Le taux d’interruption des traitements est donc significativement plus faible lorsque le traitement initié est un AVK.
Cette étude est contre-intuitive, puisqu’elle semble prouver qu’un traitement dont les conditions de prise sont complexes et évolutives est mieux suivi dans le temps qu’un traitement simplifié. Elle contredit apparemment un des critères d’amélioration de l’adhésion au traitement qu’est la simplification du mode de prise. Il est pourtant dangereux de généraliser. Avant d’être affirmatif, il est utile de prendre en compte les spécificités des traitements anticoagulants et la complexité de l’ensemble du traitement pris par le patient ; comme semblent le suggérer les résultats inversés concernant les patients de plus de 75 ans.
L’intérêt de cette publication est aussi de donner un éclairage original sur l’utilisation en vie réelle de médicaments majeurs. Elle nous apprend que la persistance à un an d’un traitement de pathologies cardiaques graves est légèrement inférieure à 80 %.
Cette étude montre donc la diversité de l’adhésion au traitement. Elle nous alerte sur la nécessité de favoriser une bonne compréhension du traitement lors de son initiation et d’améliorer son suivi tout au long de son usage.
Références
G. Maura et al Comparison of Treatment Persistence with Dabigatran or Rivaroxaban versus Vitamin K Antagonist Oral Anticoagulants in Atrial Fibrillation Patients: A Competing Risk Analysis in the French National Health Care Databases PHARMACOTHERAPY Volume 38, Number 1, 2018
AOD : quelles nouveautés à l’ESC 2018 ? Pr Jean-Philippe Collet Medscape 25 septembre 2018