On sait le bruit, le tintamarre que cette petite phrase du Président de la République a provoqué non seulement chez les responsables des syndicats et des partis d’opposition – ce qui en soi est naturel – mais surtout dans les chaumières. Ce qui bien plus embétant pour le pouvoir exécutif. Ajouté au tollé suscité par la limitation de la vitesse à 80 km/h sur les routes à deux voies sans séparation centrale, cet émoi s’est traduit aussitôt par une chute conséquente dans les sondages. Ce que dirigeants du parti du président et le Président lui même ont du mal à supporter. Le syndrome « Hollande » n’est pas si loin.
D’où la décision de rectifier rapidement le tir en mettant en première ligne, l’une des personnalités les plus emblématiques de la société civile du gouvernement : Agnès Buzyn. L’opération est habile. La ministre de la Santé n’a jamais caché sa fibre sociale, voire même une certaine sensibilité de gauche. Même si elle a pris, depuis qu’elle est ministre, quelque distance avec ses déclarations passées. Il reste qu’elle est sans doute la seule personnalité du gouvernement,, ou presque, qui puisse aider le Président dans ces moments difficiles.
Mais la tâche est ardue. D’autant qu’un document de Bercy révélé par « Le Monde » laisse clairement entendre que des pistes sont étudiées avec minutie pour réactualiser les critères d’attribution de certaines aides sociales, ce qui pourrait se traduire par une révision de leur montant. Voire une diminution, croient savoir des éditorialistes.
« Protéger l’action des plus fragiles, a tenté de rassurer les députés, Agnès Buzyn, est l’un des piliers de l’action de ce gouvernement » et a–t-elle insisté, « il n’y aura pas de remise en cause des aides sociales », a-t-elle ajouté.
N’empêche. Du coté des ministres chargés de l'économie et des finances, Bruno Le Maire et Gérard Darmanin, les discours sont sensiblement différents.
En affirmant que les aides sociales étaient trop nombreuses en France, les deux ministres - anciens membres éminents, faut-il le rappeler, du parti de droite « Les Républicains »- ont laissé planer un doute sur l’ avenir de ces prestations dans le temps; certes Agnès Buzyn a eu la très bonne idée que rappeler que c’était le rôle des ministres des finances de porter l’attention sur les dépenses, mais beaucoup dans les associations, qui se préoccupent du sort des plus démunis, n’en sont pas moins inquiets.
D’autant que persiste l’information – info ou intox ?- selon laquelle le Président voudrait réduire de sept milliards le montant des allocations dévolues aux aides sociales. « Faux » ont affirmé l’un après l’autre le Premier ministre et la ministre de la Santé. N’empêche que plane toujours le spectre de la réduction des aides aux logements (APL) décidée il y a plusieurs mois par le pouvoir exécutif et beaucoup craignent que le même processus ne soit étendu à l’ensemble des aides.
La ministre de la santé cherche d’abord et avant tout à rassurer. Elle multiplie les déclarations, les tribunes libres, les interviews pour affirmer qu’il n’est pas question de réduire ces prestations…. Et que la lutte contre la pauvreté, la précarité, la détresse sociale reste des priorités du gouvernement et du Président. Mais cela tout en déclarant que l’on était en droit parfois de s’interroger sur la réelle efficacité de ces aides…
Confusion ? Vous avez dit confusion ? Une plus grande clarté s’impose. Mais cela met surtout en évidence les controverses qui opposent les ministres, voire exacerbent les différentes sensibilités qui coexistent difficilement au sein d’une équipe gouvernementale, de surcroit très attentive aux sondages d’opinion, pour le moins médiocres en ce moment.
La tâche d’Agnès Buzyn est donc délicate. D’autant qu’elle n’en a pas terminé avec les dossiers très conflictuels. A elle celui de la réforme des retraites et notamment de l’avenir des pensions de réversion; à elle aussi celui de la nouvelle loi sur la bioéthique et du contentieux explosif de la PMA et on a vu que les récentes déclarations d’Emmanuel Macron n'étaient pas de nature à apaiser les esprits; à elle également la réforme, encore une, de l’hôpital et de la réduction des dépenses et des crédits des établissements. Ce qui peut susciter bien des réactions parmi les médecins et les personnels hospitaliers. La liste n’est pas close…
Emmanuel Macron mise beaucoup sur sa ministre de la Santé pour que son image de président de droite se « gauchise » quelque peu. Encore faut-il qu’on l’aide. Agnès Buzyn, vu la lourdeur des dossiers, pourrait rapidement se sentir un peu seule pour relever ces défis.