« Les soins de santé sont pour moi une affaire personnelle. Obamacare m’est personnel. Quand je vois le président (Trump) essayer de le démolir, et que d’autres proposent de le remplacer et de recommencer à zéro, je prends ça personnellement. Nous devons nous appuyer sur ce que nous avons fait parce que chaque Américain mérite des soins de santé abordables. » Joe Biden, qui s’exprimait lors de la campagne présidentielle, n’a jamais caché son attachement à la loi « Patient protection and Affordable Care Act » (ACA), le nom officiel de l’Obamacare. Son élection à la présidence des Etats Unis devrait donc être un soulagement immense pour des dizaines de millions d’américains qui bénéficient aujourd’hui d’une protection sociale. Même loin d’être parfaite, avec des franchisses souvent très fortes. Cela pénalise notamment les plus modestes, ceux qui ne sont pas couverts par les assurances des entreprises, ou ceux qui n’ont pas les moyens de payer pour une couverture sociale.
La réforme de Barack Obama a subi bien des assauts depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche en 2016. Il a d’abord tenté de faire abroger la loi par le Congrès (chambre des représentants et Sénat où il bénéficiait pourtant d‘une majorité) mais il a essuyé un revers auquel il ne s'attendait pas. Les élus républicains sont toutefois parvenus à l'amender en 2017, en supprimant le principe des amendes pour les entreprises refusant d’assurer leurs salariés. Une disposition essentielle. Faute d’amendes, les firmes moyennes peuvent s’abstenir de prendre des assurances pour leurs employés, limitant d’autant l’efficacité de la réforme.
Cela n’a pas suffi à de nombreux élus républicains. Plusieurs Etats ont ainsi introduit un recours contre cette loi, au motif que la suppression des amendes la rendait désormais inapplicable et qu’il convenait donc de la rayer. Une loi déclarée même contraire à la constitution dans certains Etats. Il revenait donc à la Cour Suprême de se prononcer. Celle-ci, il y a quelques jours a étudié ces recours. Au lendemain de l’élection de Joe Biden, la décision était attendue avec une certaine impatience. Elle ne devrait pas être rendue publique avant plusieurs mois, c'est-à-dire après l’installation de Joe Biden dans le fauteuil de Donald Trump. La Cour Suprême qui est composée d’une large majorité républicaine (six juges sur neuf après la désignation accélérée de la juge Amy Coney Barrett) prendrait-elle le risque d’abroger la loi ? Cela semble peu probable selon les échos que l’on a eu des débats de la Cour. « C'est dur d'argumenter que le Congrès voulait faire tomber tout le texte », alors qu'il en a amendé une partie « sans toucher au reste », a déclaré le chef de la Cour, John Roberts. « Ce n'est pas notre boulot (de le faire à sa place) », a-t-il encore dit
Mais le plus important n’est peut-être pas là. Poussé par la gauche démocrate et notamment les amis de Bernie Sanders et d’Elizabeth Warren, leaders de cette gauche américaine qui effraie jusqu’aux proches de Joe Biden, mais qui ont largement contribué à sa victoire, le nouveau président ne pourra longtemps éluder le problème de la protection sociale des américains. Certes cette gauche voudrait parfois appliquer un système à l’européenne, à la française et/ou à l’allemande. Utopique. Mais ces américains progressistes n’accepteront pas un statu quo et surveilleront de très près les décisions du nouvel hôte de la Maison blanche. Dans ce débat entre gauche et droite démocrate, la position de la vice présidente, la charismatique Kamala Harris, sera essentielle.
En tout état de cause, les quelque 240 000 Américains morts à cause de la Covid et le nombre considérable de familles touchées par ce virus, montrent combien la crise sanitaire aura compté dans la campagne électorale. Aujourd’hui au même titre que l’économie et l’emploi, la santé et son financement font partie des principales préoccupations des américains. Des américains qui exigent même, pour beaucoup d’entre eux, qui ont voté Biden, une protection sociale plus efficace que l’Obamacare qui par son système compliqué de franchises prive de nombreux patients de l’accès à des soins de qualité. Un système imparfait et inégalitaire selon Bernie Sanders qui exige une nouvelle réforme plus audacieuse. Dans ses premières déclarations de président élu, Joe Biden ne paraissait pas très éloigné de cette position. Mais il lui faudra franchir bien des obstacles pour y parvenir. La perte d’une majorité démocrate au Sénat, si elle se confirme, lui compliquera diablement la tâche.