La lutte contre la pandémie de Covid-19 est universelle. En France, elle doit inclure tous les groupes de population et porter une attention particulière aux plus démunis et aux moins visibles. L'Académie nationale de médecine a émis très tôt des recommandations concernant respectivement les personnes migrantes [1] et plus largement les personnes vivant dans la précarité [2]. Les conditions de vie misérables et les difficultés rencontrées pour accéder à des soins préventifs et curatifs favorisent l'exposition de ces personnes à l'infection par le SARS-CoV-2. Bien avant la Covid-19, l'Académie nationale de médecine avait dénoncé l'aggravation des rapports entre précarité, pauvreté et santé [3], et plus spécifiquement la situation sanitaire et sociale en France des personnes issues de l'immigration [4].
Il est déplorable de constater l'absence ou l'insignifiance des données concernant les personnes migrantes, qu'il s'agisse des indicateurs épidémiologiques de l'infection par le SARS-CoV-2 ou de la couverture vaccinale contre la Covid-19. Or ces personnes vivent dans des conditions d'inconfort et de promiscuité qui rendent les gestes barrière et l'accès à l'eau ou au gel hydroalcoolique improbables, favorisant la propagation rapide du virus SARS-CoV-2 et de ses variants. Le fardeau réel de la Covid-19 dans ces communautés, peu informées des symptômes évocateurs, des recours médicaux possibles et généralement dépourvues de protection sociale, n'est pas connu.
Des initiatives ont été prises pour vacciner ces populations, grâce à l'action de collectivités locales, d'associations bénévoles ou du SAMU social, mais elles restent ponctuelles, disparates, et au total, insuffisantes. Il importe donc de déployer des moyens humains et financiers spécifiquement dédiés à l'ensemble des centres médico-sociaux, publics, privés, associatifs, et aux médecins généralistes, pour étendre la campagne de vaccination à toutes les personnes migrantes sur l'ensemble du territoire national, la politique de vaccination devant être inclusive pour être efficace.
En accord avec la défenseure des droits et le président du Comité consultatif national d'éthique, l'Académie nationale de médecine demande :
? d'inclure l'ensemble des personnes migrantes dans la surveillance épidémiologique de la Covid-19 et dans le suivi de la campagne nationale de vaccination ;
? de recruter des interprètes pour mener de vastes campagnes d'information et de sensibilisation à la vaccination auprès de ces populations vivant hors de portée des messages de Santé publique ;
? d'associer systématiquement la vaccination contre la Covid-19 au rattrapage vaccinal préconisé par la HAS pour les migrants primo-arrivants [5] ;
? d'octroyer aux centres médico-sociaux et aux associations engagées auprès des personnes précaires et migrantes, des réfugiés, des demandeurs d'asile, les moyens humains et techniques nécessaires pour vacciner dans les meilleures conditions de sécurité et de dignité ;
? de promouvoir des campagnes de vaccination par des équipes mobiles opérant dans les campements et les lieux d'hébergement des personnes migrantes.
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