Le 28 juillet dernier, la HAS avait publié des recommandations préliminaires sur la stratégie vaccinale contre la Covid-19 qui posait une première priorisation des populations à vacciner. Sur saisine du directeur général de la santé, la HAS actualise aujourd'hui son avis initial, et affine la priorisation des populations à vacciner à partir des nouvelles données disponibles : évolution du contexte épidémique, premières données des candidats vaccins déjà disponibles ou attendues à court terme et allocation limitée et progressive des doses de vaccins en France et en Europe.
Les premiers objectifs du programme de vaccination contre le Sars-Cov-2 seront de réduire la morbi-mortalité attribuable à la maladie (hospitalisations, admissions en soins intensifs et décès) et de maintenir les activités essentielles du pays, particulièrement celles du système de santé pendant l'épidémie.
Pour que la stratégie vaccinale vise le contrôle de l'épidémie, il est nécessaire d'attendre que les études établissent la preuve que les vaccins ont une efficacité possible sur la transmission du virus et que la disponibilité des vaccins soit suffisante.
Ces recommandations seront à actualiser et à adapter en fonction des données sur chaque vaccin, de leur disponibilité effective et des tensions éventuelles sur l'approvisionnement.
La HAS rappelle qu'elle ne préconise pas, à ce stade, de rendre obligatoire la vaccination contre la Covid-19.
Deux critères de priorisation : le risque de faire une forme grave de la Covid-19 et le risque d'exposition au virus
Afin d'établir la priorisation des personnes à vacciner à l'initiation de la campagne de vaccination, la HAS a mené une revue de la littérature scientifique en vue d'identifier les facteurs de risques de formes graves, c'est-à-dire conduisant à une hospitalisation ou au décès, ainsi que les facteurs de risque d'exposition en secteur professionnel ou selon les modes d'hébergement.
Les deux facteurs de risque de formes graves les plus importants sont l'âge avant tout, ainsi que la présence de comorbidités. La HAS retient les comorbidités identifiées dans les publications scientifiques comme à risque avéré d'hospitalisations ou de décès : obésité (IMC >30) en particulier chez les plus jeunes, BPCO et insuffisance respiratoire, hypertension artérielle compliquée, insuffisance cardiaque, diabète de types 1 et 2, insuffisance rénale chronique, cancers récents de moins de trois ans, transplantation d'organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques et trisomie 21. D'autres pathologies ou formes de handicap pourront être intégrées au fur et à mesure de l'acquisition des connaissances.
Concernant le risque d'exposition, la HAS a établi au terme de son analyse que les professionnels les plus à risque sont les professionnels de santé médicaux, les paramédicaux et auxiliaires médicaux, les brancardiers ainsi que les travailleurs sociaux et les personnels du secteur des services à la personne susceptibles d'accueillir et d'être en contact avec des patients infectés par le SARS-CoV-2.
Une stratégie par étape et par ordre de priorité
La HAS a élaboré une stratégie vaccinale préliminaire, en commençant par prioriser les personnes les plus à risque de forme grave et les plus exposées au virus, pour tenir compte d'une arrivée progressive de doses de vaccins au fil de l'année 2021. Elle identifie ainsi cinq phases. Les trois premières couvrent la phase critique d'initiation de la campagne de vaccination et ont pour objectif de permettre la vaccination de l'ensemble des personnes à risque de forme grave de Covid-19 afin de réduire les hospitalisations et les décès et les personnes qui sont fortement exposées au virus. Les deux phases suivantes devraient permettre d'ouvrir largement la vaccination aux plus de 18 ans sans comorbidités et seront précisées au fur et à mesure de l'atteinte des objectifs des phases précédentes.
Première phase à l'arrivée des toutes premières doses
Compte tenu du nombre limité de doses qui seront disponibles au démarrage de la campagne de vaccination, la HAS recommande de vacciner en priorité des priorités les personnes âgées résidant en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou tout autre hébergement collectif. Représentant un tiers des décès, ce sont les premières victimes de la maladie depuis le début de l'épidémie. Parmi les professionnels qui répondent au critère d'exposition mentionnés plus haut, la HAS recommande de commencer à vacciner dans cette première phase les professionnels du secteur de la santé, du secteur médico-social et du transport sanitaire dont l'activité ne doit pas être interrompue en période épidémique, en ciblant prioritairement ceux qui sont amenés à être en contact prolongé et régulier avec des personnes susceptibles d'être infectées par le Sars-Cov-2 et qui présentent eux-mêmes un risque de forme grave (professionnels de plus de 65 ans et/ou avec comorbidité(s)). Il s'agit ainsi des professionnels des EHPAD, des unités de soins de longue durée (USLD).
Deuxième phase critique
Pour cette seconde phase - et dès lors qu'un nombre plus important de doses sera disponible - la HAS recommande de vacciner les personnes ayant plus de 75 ans, puis les personnes de 65 à 74 ans ayant une comorbidité, puis les autres personnes de 65-74 ans. La HAS recommande par ailleurs de poursuivre la vaccination des professionnels du secteur de la santé, du médico-social et du transport sanitaire, en priorisant les professionnels âgés de plus de 50 ans ou présentant une comorbidité, quel que soit leur mode/lieu d'exercice.
Troisième phase critique
L'objectif reste la réduction des hospitalisations et des décès. En complément des personnes ciblées aux précédentes phases qui n'auront pas encore pu être vaccinées, la HAS préconise de vacciner l'ensemble des personnes plus de 50 ans ou de moins de 50 ans mais à risque de forme grave du fait de leurs comorbidités. Par ailleurs, à ce stade de la montée en charge de l'approvisionnement en vaccins, outre la vaccination de l'ensemble des professionnels du secteur de la santé et du médico-social, la vaccination des professionnels issus des secteurs indispensables au fonctionnement du pays pourra être entreprise et déterminée par le gouvernement, secteurs de la sécurité ou de l'éducation par exemple.
Quatrième phase
Les phases précédentes auront déjà permis de cibler les personnes (professionnels ou individus) les plus à risque. Durant cette quatrième phase, il s'agit donc de vacciner les personnes fortement exposées au virus du Sars-Cov-2 et qui n'auraient pas été vaccinées antérieurement (car moins de 50 ans et sans comorbidité). Cela concerne notamment les professionnels dont l'environnement de travail favorise une infection (contacts réguliers du public, milieu clos...) ou les personnes vulnérables ou précaires ayant un pronostic moins favorable en cas d'infection par la Covid-19 (résident en hôpital psychiatrique, sans domicile fixe, détenus...).
Cinquième phase
La HAS estime qu'à cette cinquième phase - sous réserve que les allocations de doses vaccinales auront été suffisantes pour vacciner chacune des populations prioritaires Â? la vaccination des personnes de plus de 18 ans et sans comorbidité pourrait alors être initiée.
Recommandations complémentaires et perspectives
En complément de ces recommandations, la HAS formule d'autres préconisations, comme celle de suivre la distribution des doses vaccinales afin d'être en capacité d'en remobiliser si besoin pour des personnes prioritaires. Elle recommande également un suivi de la vaccination permettant la collecte de données en vie réelle et une actualisation des présentes recommandations.
La HAS rappelle la nécessité d'une information claire et accessible des publics à toutes les phases de mise à disposition des vaccins.
Les recommandations publiées ce jour par la HAS seront amenées à évoluer dès lors que de nouvelles données seront disponibles notamment sur l'immunogénicité et l'efficacité des vaccins (dans les différents groupes d'âge, ou encore sur la survenue de l'infection, la transmission et le risque de formes sévères).
HAS le 30/11/2020