Le Dossier Médical Partagé (DMP) est généralisé sur l'ensemble du territoire. Tous les départements sont concernés. C’est officiel. Preuve en est que la ministre de la santé? Agnès Buzyn, l’a annoncé lors d’une conférence de presse très suivie le 8 novembre et qui réunissait les plus grandes personnalités du monde associatif de la santé et de l’assurance maladie. Instance qui sera chargée de mettre en place ce dispositif très attendu depuis des lustres, qui devrait faciliter la coordination des soins, éviter des examens, des investigations redondants tout en permettant aux patients d’avoir accès à leur dossier médical…
Reste que l’histoire est porteuse de leçons et que le passé peut inciter à la prudence. Car beaucoup, comme celui qui écrit ces lignes, se souviennent de l’optimisme de Philippe Douste-Blazy alors ministre de la santé qui, ce 24 mai 2004, annonçait, tout aussi officiellement, que le Dossier Médical Partagé (DMP), serait généralisé en 2007 dans la France entière, et permettrait d’économiser 3,4 milliards d’euros chaque année…Chimère…. « Une arlésienne, comme on n’en a peu vu en matière de santé », commentait en 2016 un journaliste économique. Le DMP, disait même Philippe Douste-Blazy en cette même année 2016 est le plus grand échec de ma vie. Diable. Le constant est terrible.
Mais ne jetons pas trop vite la pierre au ministre de cette époque qui a dû faire face à de puissants lobbys médicaux, à l’opposition déterminée de syndicats médicaux influents, à certaines associations de patients alors peu audacieuses, et qui craignaient les uns un accroissement de leurs obligations et de leurs charges, les autres une atteinte au secret médical et à la confidentialité de la consultation.
Agnès Buzyn réussira-t-elle là où son prédécesseur, médecin comme elle, a échoué ? Elle a des atouts évidents. Ne serait-ce que celui de la très influente association de patients, France Assos Santé, créée il y a pas si longtemps, qui regroupe 80 associations de santé et qui a apporté officiellement son soutien à la ministre. Un sondage qu’elle a publié montre que la très grande majorité des patients, 80 %, seraient favorables à ce dispositif. Autre point très positif, la détermination affichée de l’assurance maladie, qui va déployer une forte énergie pour convaincre patients, médecins, et établissements de santé de s’impliquer dans cette grande aventure.
Il n’empêche que l’on entend des fausses notes. Celles de patrons de syndicats de médecins qui avouent leur perplexité voire même leur opposition au dispositif ; celles aussi de praticiens de départements où le DMP était expérimenté et qui n’ont été que 18 % à le faire. Certains, parmi ceux ci, sont même persuadés qu'il est inutile. L’un allant jusqu’à affirmer qu’il lui avait été impossible d’insérer des documents dans le dossier de ses patients.
La ministre devra encore déployer bien des efforts pour convaincre le corps médical de s’impliquer dans le processus. Faut-il rémunérer les médecins pour les inciter à ouvrir et à remplir le DMP ? Ce n’est pas prévu, répond l’assurance maladie.
Et pourtant l’affaire est d’importance et cette innovation annoncée il y a plus de quinze ans se remettrait difficilement d’une nouvelle désillusion. C’est bien le sentiment des patients. « Après tant d’attentes, affirme France Assos Santé dans un communiqué, on ne peut plus se permettre un échec, c’est maintenant le moment de vérité ! La réussite du DMP dépendra de l’implication de l’ensemble des acteurs ».
A l’évidence, ils n’en sont pas tous conscients.