La grève des services d’urgence hospitaliers dure depuis trois mois et gagne chaque jour de nouveaux établissements. Les soignants - médecins, infirmières, aides soignantes – demandent des moyens supplémentaires et un renforcement des effectifs ; les patients s’insurgent contre des conditions d’accueil qui se dégradent et des attentes interminables. Le gouvernement compte sur sa nouvelle loi Santé pour calmer les esprits.
Le malaise des urgences ne cesse de croitre. A Lariboisière, des soignants ont déclaré être en arrêt maladie et n’ont pas pris leur service; à Lons Le Saunier dans le Jura, le préfet a été contraint de faire appel à la gendarmerie pur réquisitionner des personnels et dans les hôpitaux de l’Assistance Publique de Marseille, les absences se multiplient et des conflits se font jour….Près de cent services d’urgence dans la France entière se sont déclarés en grève.
Face à ce qui est une colère, les pouvoirs semblent naviguer à l’aveugle et paraissent déboussolés, ce qui revient au même. La ministre de la santé, Agnès Buzyn, tance le matin les urgentistes pour plusieurs de leurs actions, puis dit comprendre l’après – midi leur impatience ; le directeur de l’Assistance publique de Paris, Martin Hirsch, après avoir vivement regretté lui aussi certaines positions des grévistes, a assuré entendre leurs inquiétudes et a proposé « d'ajouter une centaine de postes aux urgences » et affirmé que « les effectifs continueront à augmenter en fonction du nombre de passages », s'engageant même « sur la durée, pour les années qui viennent ». Cela ne suffira pas à calmer le courroux des urgentistes. Car des promesses, ils en ont eu. « Une vaste blague » a ironisé le Dr Christian Prudhomme, de la CGT, « je suis très déçu » a insisté le Dr Patrick Pelloux, président de l’association des urgentistes de France, « le gouvernement ne mesure pas l’ampleur de la contestation ».
Du coté des usagers, la rancœur est grande et l’inquiétude forte. Les exemples d’une attente démesurée aux urgences se multiplient. La ministre de la santé et le Premier Ministre conscients des ces colères, de moins en moins rentrées et qui, si elles perdurent et se multiplient, peuvent déboucher sur des mouvements plus radicaux, tentent de montrer qu’ils ont pris toute la mesure des problèmes. Une mission est confiée à un médecin urgentiste, député LAREM, le Dr Mesnier, et au Pr Carli, qui devront rendre leur copie en novembre, bien long ce délai, et Agnès Buzyn a redit au Sénat que sa loi santé discutée en ce moment permettra de résoudre nombre de ces difficultés. Chiche, ont répondu les intéressés.
Mais une autre musique de plus en plus insistante se fait entendre : patients et urgentistes ne seraient pas si innocents des difficultés des urgences…
Les premiers s’adresseraient sans motif réel aux urgences participant ainsi à l’encombrement des services. Peut-être. Mais c’est oublier qu’on a limité drastiquement, depuis des décennies, le nombre des médecins de ville notamment par le numérus clausus dont on voit aujourd’hui les conséquences néfastes et pas dans le seul domaine des urgences; quant aux seconds, les soignants que certains, montrent du doigt ils ont à faire face à une demande accrue, mais « il ne nous revient pas de sélectionner les patients » disent-ils. D’où leur demande pressante de renforcer les services d’urgence. En clair rejeter une part de la responsabilité des difficultés actuelle sur les patients, les soignants, les médecins de ville, est tout à fait irresponsable.
La loi Santé du gouvernement discutée en ce moment, et qui devrait être publiée en Juillet, pourrait résoudre une partie du problème notamment par la création de ces hôpitaux de proximité chers à Agnès Buzyn ; des établissements qui seraient des intermédiaires entre le patient, le médecin de ville et l’hôpital. C’est une possibilité. A condition qu’ils soient plus performants que les actuels hôpitaux locaux… . Reste que la mise en vigueur de cette réforme ne se fera pas du jour au lendemain ; son efficacité ne pourra être mesurée que dans une décennie. Bien loin. En attendant les services d’urgences devront bien assurer l’essentiel: répondre aux besoins de santé et aux angoisses des patients.