La transition écologique nécessite des moyens supplémentaires. Ce n’est pas en asséchant les Agences de l’Eau que la France tiendra ses engagements dans les domaines de l’eau et de la biodiversité. Les agences de l’eau sont au cœur de la politique de l’eau en France : grâce aux redevances perçues sur les différents usages de l’eau, elles subventionnent des projets de préservation de la ressource en eau et des milieux aquatiques.
En 2016, leur mission a été étendue à l’ensemble de la biodiversité. Elles sont donc appelées à jouer un rôle majeur dans la réalisation de l’objectif de reconquête de la biodiversité défini par la loi et les engagements internationaux de notre pays. Ce système des agences de l’eau a montré son efficacité ; il est d’ailleurs reconnu au niveau international comme modèle de gestion.
Pourtant, avec le projet de loi de finances 2018 les six agences de l'eau sont placées sous une contrainte budgétaire telle que leurs capacités d'interventions humaines et financières auprès des acteurs économiques, des collectivités locales et de la société civile sont sérieusement menacées, et qu’il leur sera difficile de prendre effectivement en charge leurs nouvelles missions. Alors que nous avons parcouru seulement un tiers du chemin vers les objectifs de la Directive Cadre Européenne sur l’Eau, on s’achemine dans les trois prochaines années vers une réduction drastique des subventions pour les territoires.
Les moyens financiers dédiés à l’eau et à la biodiversité ont d'ailleurs déjà fondu. Le plafond de recettes des redevances des onzièmes programmes (2019 - 2024) des agences de l’eau a ainsi baissé à 12,6 Mds €, soit -2,1 Mds € par an. Pour mémoire, ce plafond était de 13,8 Mds € dans la loi de finances 2012 pour les dixèmes programmes. Les ponctions budgétaires « ponctuelles » sur les trésoreries des agences (210M€ en 2014, 175M€ par an en 2015, 2016 et 2017) ont certes cessé, mais un plafond mordant a été instauré. Ce mécanisme pérenne de ponction budgétaire annualisée sur les redevances payées par les différents consommateurs d’eau devait conduire à un dévoiement des redevances des agences de l’eau vers le budget général de l’Etat de 130 M€ dès 2018. Suspendu il vient d’être remplacé par une ponction budgétaire de 200 M€.
Enfin, l’Etat abandonne le financement pour charge de service public de l’ONCFS et des Parcs Nationaux et cette charge financière est transférée aux agences de l’eau. Elle vient s’ajouter au financement préexistant de l’AFB pour un montant total de 297 M€ :
Une réduction supplémentaire de 200 ETP (équivalents temps plein) dans les six agences de l’eau est prévue pour les quatre années à venir (sur un effectif total de 1600 agents). Depuis 2011, les six agences de l’eau ont déjà perdu 13% de leurs effectifs, et ce alors que leurs missions ne cessent de s’élargir.
Les suppressions d’emplois chez les opérateurs de l’Etat portent en premier lieu sur ceux du Ministère de la transition écologique et solidaire (- 496 ETP) devant tous les autres ministères. Les agences de l’eau figurent parmi les plus touchés !
Les personnels des agences de l’eau sont dans leur immense majorité des contractuels en CDI ; ils bénéficient d’un cadre de gestion dérogatoire, quasi statut défini dans le décret n° 2007-832 du 11 mai 2007 fixant les dispositions particulières applicables aux agents non titulaires des agences de l’eau.
L'une des conséquences de la loi Déontologie votée l'an dernier a été la révision du décret liste de 1984, décret définissant les emplois types et les établissements publics pouvant faire l’objet d’un recrutement contractuel à durée indéterminée. De fait, tous les emplois des agences de l’eau ne seront plus inscrits en annexe de ce décret-liste à compter du 1er avril 2018.
Les conséquences pour les personnels des agences de l’eau sont lourdes : mesures de titularisation inadaptées, quasi-statut figé, mobilité impossible. La carrière des personnels est directement touchée et leur capacité à faire risque d’en pâtir. Depuis près d’un an, les agents se mobilisent pour obtenir une alternative qui permette que l’on reconnaisse leurs compétences et leur implication, et pour pouvoir continuer à exercer leurs missions dans de bonnes conditions.
Cette situation a provoqué dès le mois d’août une interpellation du Ministère par les sept Présidents des Comités de Bassin. D’autant que les ambitions de la récente loi pour la reconquête de la biodiversité dépendent des moyens supplémentaires qui sauront être mobilisés.
Des solutions existent pour préserver l’outil de solidarité territoriale au service de l’environnement que sont les agences de l’eau. Elles sont essentiellement d’ordre législatif. C’est pourquoi nous en appelons au soutien des françaises et des français et de leurs élus pour obtenir des parlementaires et du gouvernement les modifications suivantes :
Une nouvelle taxe basée sur l’artificialisation des milieux est en cours de réflexion ? Très bien : créez d’abord cette taxe pour alimenter les politiques publiques en faveur de la biodiversité au lieu de réduire drastiquement les moyens des Agences de l’Eau.
En conséquence, nous * demandons l’abandon des prélèvements sur les redevances des agences de l’eau, et la garantie de la pérennité de leurs moyens pour remplir leurs missions en faveur de la protection de l’eau et de la biodiversité.
* Agir pour la biodiversité, SNPN ; Socité Française pour l'Etude des Mamifères ; Humanité et biodiversité ; SURFRIDER Foudation Europe ; SNE ; CGT ; CFDT environnement, territoires, autoroutes et mer ; EFA-CGC.