On le savait: la situation est très préoccupante. Les déficits du régime de protection sociale vont atteindre en 202O, 2021 et les années suivantes des niveaux tels que se posera inévitablement la question de sa survie. La Cour des comptes dans son rapport annuel sur la sécurité sociale est très affirmative à cet égard. En 2020, le déficit de la branche maladie approche des 30 milliards d'euros et l'ensemble du régime général plus de 41 milliards, plus de 44 milliards même avec le fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Et les années suivantes seront loin d'être roses. Selon le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté par le gouvernement il y a quelques jours, ce déficit devrait atteindre les 21 milliards en 2021 et dépasser les 20 milliards chaque année jusqu'en 2024.
« À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, nous ne le contestons pas. Mais la dette, qui pèse sur les générations futures, ne peut devenir le mode permanent de financement de la sécurité sociale » , a commenté Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes , qui lance un avertissement au gouvernement. En clair, les déficits, ne doivent pas servir de façon continuer à financer les régimes de protection sociale. Car c'est bien de cela qu'il s'agit: la crise du Covid et la crise économique qui l'a accompagnée expliquent ces déficits. En plus de la hausse des dépenses, la perte de recettes (les entreprises on été dispensées de verser leurs cotisations sociales) non compensée par l'État a fortement marqué à la très forte dégradation des comptes.
La survie des régimes de protection ont laissé entrer les magistrats exigeants des mesures fortes pour limiter les dépenses inutiles et assurer une maitrise plus équilibrée. Le déficit abyssal de la sécurité sociale, creusé par le Covid et qui devrait perdurer plusieurs années, «suppose agir sur les dépenses», en premier lieu celles de santé, recommande la Cour des comptes. Reste à savoir sur. La formule «quoiqu'il en coûte» du chef de l'Etat est encore dans tous les esprits et serait ressortie si d'aventure une maîtrise des dépenses trop stricte était envisagée et appliquée. De plus, difficile d'intervenir sur l'hôpital alors que les suppressions de lits dans les établissements sont dénoncées avec vigueur par tous les personnels hospitaliers. Impossible aussi d'agir sur l ' emploi dans les hôpitaux alors que les personnels n'en peuvent plus et que l'opinion a pris fait et cause pour eux. Le «Ségur de la santé» est aussi passé par là.
Les magistrats de la Cour des comptes sont fermes. Il est «essentiel de reconstruire dès à présent une nouvelle trajectoire de retour à l'équilibre» dit-ils. Mais coincés entre l'impératif de réduction des déficits, et celui de préserver la qualité du système de soins et du tissu hospitalier, dans cette période délicate, ils ont choisi, une fois n'est pas coutume, d'être prudents.
Ainsi la Cour recommande de renforcer les dispositifs des groupements hospitaliers de territoire (les GHT) qui doivent permettre d'instaurer une coopération étroite entre établissements. Ce système instauré par la loi Bachelot en 2016, s'il est intéressant, est loin d'avoir montré une réelle efficacité, notamment en matière d'économie et de gestion. Une mutualisation des moyens et des ressources doit être selon les concepteurs de ce système aboutir à des économies réelles. C'est encore loin d'être le cas. Parfois, et ce n'est pas rien, ce dispositif semble avoir facilité l'accès des patients à des soins et à des établissements spécialisés pour certaines pathologies et interventions chirurgicales. Ce n'est vrai partout… Paradoxalement, et la Cour le note,
Les magistrats de la Cour des comptes veulent aussi renforcer le rôle des Agences régionales de santé. La crise a montré la limite d'action de ces ARS. Parfois des «mastodontes» difficiles à bouger, et qui n’ont pas eu l’efficacité, du moins dans certaines régions, que l’on était en droit d’espérer. «Le suivi par les ARS, dit encore la Cour, des investissements réalisés par les établissements de santé est très insuffisant». De même les directives de l'administration centrale, en matière de gestion «ne permet pas aux ARS, d'orienter les financements en fonction d'une appréciation des besoins au plus près du terrain»
Enfin on notera que la Cour veut limiter la hausse des dépenses concernant les dispositifs médicaux, notamment en intervenant sur les tarifs et en imposant des baisses tarifaires.
Autant de mesures, même si elles intéressantes, qui ne devraient avoir dans un proche avenir, qu'un impact limité sur l'inflation des dépenses, et les déficits dangereux qui s'annoncent pour les années suivantes