Fort d’un sondage qui a placé la santé au premier plan des préoccupations des Français (lire encadré), le centre national des professions de santé (CNPS), qui regroupe 25 syndicats de professionnels de santé exerçant à titre libéral et six organisations d'industrie de santé, vient de réunir celles et ceux qui, dans les coulisses, écrivent les programmes santé des candidats à l’élection présidentielle 2017. D’un certain nombre du moins, puisque ni le Front de gauche, ni le Front national n’avaient été conviés. Quant au Parti socialiste, il a préféré s’abstenir sous prétexte qu’il n’y avait à ce jour ni programme, ni candidat puisque les candidats à la primaire ne sont pas tous connus.
Au final, ce sont donc les représentants d’Europe écologie les verts (EELV) en la personne de son secrétaire national, David Cormand, de l’Union des démocrates indépendants(UDI) avec, sa secrétaire nationale pour les questions de santé, Marie-Christine Favrot et de trois candidats à la primaire des Républicains (LR) – Alain Juppé par la voix de Jean Léonetti, Nicolas Sarkozy en la personne de Philippe Juvin et Bruno Lemaire dans une vidéo préenregistrée - qui sont venus exposer leur vision du système de santé devant un parterre de libéraux de santé particulièrement attentifs.
Après avoir rappelé que les politiques parlent rarement de santé en raison de la complexité des sujets et de leur caractère clivant, le représentant d’Alain Juppé a voulu d’emblée se montrer rassurant. Il s’est ainsi refusé à toute opposition entre « public et privé et entre libéraux et hospitaliers ». Ce cardiologue se refuse également à opposer les malades aux médecins car la défense des premiers passe nécessairement par celle des seconds et de l’ensemble des acteurs de santé. Le député maire d’Antibes a en outre insisté à la fois sur l’enjeu économique d’un secteur qui présente une balance commerciale positive et dont l’intérêt social est loin d’être négligeable.
En réponse au profond malaise ressenti par les professionnels de santé dans l’exercice même de leur métier, Jean Léonetti n’a pas manqué de rappeler que « l’évolution des pratiques, de la technologie et des prises en charge de malades de plus en plus avertis » étaient autant de bouleversements pour des professionnels désireux d’« exercer en liberté et en conscience ». Bruno Lemaire, comme Jean Léonetti, Philippe Juvin et David Cormand, n’en ont pas moins insisté sur la nécessité de « mieux coordonner les acteurs de santé afin d’apporter la meilleure réponse possible à des patients chroniques de plus en plus nombreux ». Une coordination qui doit intervenir entre les secteurs privés et publiques et entre les acteurs libéraux. Et le porte-parole de Nicolas Sarkozy d’enfoncer le clou : « l’hôpital n’est pas le lieu du soin primaire ».
Ce point de vue est également partagé par la porte-parole de l’UDI qui entend sortir une bonne fois pour toute de l’organisation en tuyaux d’orgue qui caractérise le système français de santé. Marie-Christine Favrot a ainsi insisté sur la nécessité de voir le clivage ville hôpital disparaitre. Comment ? En développant les pôles de santé pluri-professionnels qui, selon ce professeur de médecine et cancérologue, permettent de répondre à la désertification médicale et aux attentes des nouvelles générations. Un bon moyen également d’atteindre les trois objectifs de son parti : « améliorer l’efficience du système et la qualité des soins pour réduire les dépenses de santé sans creuser les inégalités et en mettant fin à la crise de confiance qui affecte les professions de santé ».
Pas question pour autant d’envisager de nouvelles réformes révolutionnaires. Dénonçant l’inflation législative dont pâtit notre système de santé, Jean Léonetti s’est déclaré favorable à une convention nationale qui définirait des axes généraux – rémunération, accès aux soins, organisation – sans entrer dans le détail. A charge alors à chacun, dans chaque région, de trouver des solutions adaptées aux besoins locaux. En clair, de permettre au malade de recourir à la fois à une médecine de très haut niveau dans un CHU et à une médecine du quotidien, dans un territoire pertinent. Convaincu de la nécessité de « sortir de l’hospitalo-centrisme, le porte-parole de Nicolas Sarkozy va d’ailleurs dans le même sens en insistant sur le fait que pour l’hôpital, la proximité n’est pas le garant de la qualité.
Pour autant, « La proximité est un élément essentiel » a précisé Bruno Lemaire. Tout comme le député-maire d’Antibes qui, par ailleurs, a insisté sur la nécessité de dialoguer et de sortir de la logique comptable. Désireux d’effacer le mauvais souvenir laissé par Alain Juppé en 1995, son porte-parole a insisté sur la nécessité pour l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de suivre une évolution logique afin de passer d’une approche quantitative à des évaluations qualitatives propices à l’accomplissement de l’acte juste. Dans ce cadre Philippe Juvin propose d’ailleurs d’« instaurer le parcours patient dont le patient serait acteur »
Quant à Marie-Christine Favrot, elle préconise que l’ONDAM ne soit « plus construit de manière séparée par différentes directions du ministère ». A charge alors à la direction générale de l’Offre de soins (DGOS) de « réellement piloter l’ensemble de l’offre et non plus les seuls hôpitaux ». Dans cette optique la secrétaire nationale de l’UDI en charge des questions de santé juge également « indispensable d’instaurer la gratuité des vaccins et de supprimer le remboursement par l’assurance maladie des médicaments à service médical rendu faible et des soins de conforts ». De même préconise-t-elle de revoir les modalités de prise en charge des affections longue durée (ALD) et en particulier les conditions de sortie.
Un système qui devra par ailleurs être territorialement organisé et sans dogmatisme afin qu’il n’y ait plus d’oppositions entre public et privé. C’est dans cette même logique que la porte-parole de l’UDI souhaite « lever les contraintes financières auxquelles sont soumis les hôpitaux privées et réintroduire la convergence tarifaire en contrepartie d’un engagement dans une démarche de qualité des soins, d’efficience et d’accueil de toutes les populations. En clair de leur permettre de participer au service public hospitalier.
De la même manière, les ARS, dont Marie-Christine Favrot a tenu à saluer la création, doivent « gagner en autonomie et pouvoir s’appuyer sur les acteurs concernés dans chaque territoire ». Dans cette optique ce praticien hospitalier considère indispensable que « la gestion des hôpitaux publics ne dépende plus exclusivement de la compétence des ARS afin de limiter les conflits d’intérêt.
Et pour répondre aux attentes en matière de soins primaires et de prévention, « les professionnels de santé devront disposer d’une palette d’outils qu’ils exploiteront en fonction des spécificités de leur territoire ». En clair, des référentiels de soins devront être établis pour être partagés avec tous les professionnels et les usagers. C’est encore dans ce cadre, que certaines professions, en particulier paramédicales, devront « bénéficier de compétences élargies ».
Autant de points que le secrétaire national d’EELV, David Cormand, n’a pas abordés. Chiffres à l’appui, il préféré insister sur la nécessité de changer de paradigme et de passer d’une logique curative à une logique plus orientée sur la prévention. Selon l’ancien conseiller régional de Seine Maritime, la santé environnementale doit en effet se développer en raison de son impact. Une préoccupation toutefois assez éloigné des centres d’intérêt des libéraux de santé ; à moins qu’une rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) ne les incite à informer leur patientèle et autres clientèles.